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Centre d’arbitrage et de mйdiation de l’OMPI

DЙCISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE

Idйes & Patentes S.A.R.L. contre Institut National de la Propriйtй Industrielle (I.N.P.I)

Litige n° D2007-1760

1. Les parties

Le requйrant est Idйes & Patentes S.A.R.L., Paris, France, reprйsentй par Guillaume Behue et Franзois Gairin, France.

Le dйfendeur est Institut National de la Propriйtй Industrielle (I.N.P.I), Paris, France, reprйsentй par Jean Martin, France.

2. Nom de domaine et unitй d’enregistrement

Le litige concerne le nom de domaine <e-soleau.org>.

L’unitй d’enregistrement auprиs de laquelle le nom de domaine est enregistrй est Melbourne IT trading as Internet Names Worldwide.

3. Rappel de la procйdure

Une plainte a йtй dйposйe par Idйes & Patentes S.A.R.L. auprиs du Centre d’arbitrage et de mйdiation de l’Organisation Mondiale de la Propriйtй Intellectuelle (ci-aprиs dйsignй le “Centre”) en date du 28 novembre 2007.

En date du 3 dйcembre 2007, le Centre a adressй une requкte а l’unitй d’enregistrement du nom de domaine litigieux, Melbourne IT trading as Internet Names Worldwide, aux fins de vйrification des йlйments du litige, tels que communiquйs par le Requйrant. L’unitй d’enregistrement a confirmй l’ensemble des donnйes du litige en date du 5 dйcembre 2007.

Le Centre a vйrifiй que la plainte rйpond bien aux Principes directeurs rйgissant le Rиglement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-aprиs dйnommйs “Principes directeurs”), aux Rиgles d’application des Principes directeurs (ci-aprиs dйnommйes les “Rиgles d’application”), et aux Rиgles supplйmentaires de l’OMPI (ci-aprиs dйnommйes les “Rиgles supplйmentaires”) pour l’application des Principes directeurs prйcitйs.

Conformйment aux paragraphes 2 a) et 4 a) des Rиgles d’application, le 6 dйcembre 2007, une notification de la plainte valant ouverture de la prйsente procйdure administrative, a йtй adressйe au dйfendeur. Conformйment au paragraphe 5 a) des Rиgles d’application, le dernier dйlai pour faire parvenir une rйponse йtait le 26 dйcembre 2007. Le dйfendeur a fait parvenir sa rйponse au Centre le 21 dйcembre 2007.

Le Requйrant a communiquй des observations et documents additionnels les 31 dйcembre 2007, 7 et 8 janvier 2008.

En date du 6 fйvrier 2008, le Centre nommait Christiane Fйral-Schuhl, Nathalie Dreyfus et Christian-Andrй Le Stanc comme experts dans le prйsent litige. La Commission administrative constate qu’elle a йtй constituйe conformйment aux Principes directeurs et aux Rиgles d’application. La Commission administrative a adressй au Centre une dйclaration d’acceptation et une dйclaration d’impartialitй et d’indйpendance, conformйment au paragraphe 7 des Rиgles d’application.

Le Dйfendeur a communiquй des observations additionnelles le 13 fйvrier 2008.

Le 18 fйvrier 2008, la Commission administrative a, par ordonnance, enjoint le Requйrant, en application de l’article 12 des Rиgles d’application, de bien vouloir produire une piиce attestant de ses droits sur la marque E-SOLEAU, au plus tard le 22 fйvrier 2008. Cette ordonnance a ainsi prorogйe la date de transmission de la dйcision au 28 fйvrier 2008.

Le 22 fйvrier 2008, le Requйrant rйpondait а l’injonction de la Commission administrative et lui communiquait une attestation de Monsieur BEHUE, son gйrant, accompagnйe d’une copie de la carte d’identitй de ce dernier.

Le 27 fйvrier 2008, le Dйfendeur a communiquй des observations additionnelles en rйponse aux йlйments produits par le Requйrant.

Le 28 fйvrier 2008, le Requйrant et le Dйfendeur ont а nouveau communiquй des observations additionnelles.

4. Les faits

Le Requйrant est la sociйtй Idйes & Patentes SARL, qui a pour activitй l’exploitation commerciale de services internet.

Le gйrant du Requйrant est titulaire des droits portant sur la marque semi-figurative franзaise E-SOLEAU, enregistrйe sous le numйro FR 04 3 323 121 auprиs de l’I.N.P.I. le 10 novembre 2004.

Le Requйrant a procйdй а l’enregistrement des noms de domaine suivants :

- <e-soleau.fr>, le 18 janvier 2006,

- <e-soleau.com>, le 17 janvier 2006,

- <e-soleau.net>, le 17 janvier 2006,

- <e-soleau.eu>, le 07 avril 2006.

Le Dйfendeur est l’Institut National de la Propriйtй Industrielle (I.N.P.I.), йtablissement public franзais placй sous la tutelle du ministиre de l’Economie, des Finances et de l’Emploi, et chargй notamment de dйlivrer les marques, brevets et dessins et modиles.

Le Dйfendeur affirme кtre titulaire de la marque d’usage notoirement connue en France, ENVELOPPE SOLEAU.

5. Argumentation des parties

A. Requйrant

A titre liminaire, le Requйrant sollicite que la procйdure soit diligentйe en franзais compte tenu notamment de ce que le Dйfendeur est une institution franзaise et que les йchanges entre les parties ont йtй tenus en langue franзaise.

(i) Le Requйrant fait valoir en premier lieu que le nom de domaine <e-soleau.org> est identique ou semblable, au point de prкter а confusion, а la marque E-SOLEAU sur laquelle le Requйrant dйclare avoir des droits.

Le Requйrant prйcise qu’antйrieurement а l’enregistrement du nom de domaine litigieux, il a rйguliиrement dйposй la marque E-SOLEAU auprиs du Dйfendeur sans que ce dernier ne manifeste une quelconque opposition. Le Requйrant relиve йgalement qu’il exploite effectivement cette marque puisqu’il a dйposй des noms de domaine comprenant les termes “e-soleau” pour commercialiser ses produits.

Le Requйrant ajoute йgalement qu’il a mis en demeure le Dйfendeur de cesser d’utiliser le nom de domaine en cause, qui est le seul nom de domaine que le Dйfendeur dйtient en “.org”.

Pour ces raisons, le Requйrant considиre que l’exploitation par le Dйfendeur du nom de domaine <e-soleau.org> est de nature а engendrer auprиs des consommateurs une confusion entre ses produits et services et les prestations offertes par le Dйfendeur, et consйquemment а dйtourner la clientиle du Requйrant et а discrйditer le Requйrant.

(ii) En second lieu, le Requйrant fait valoir que le Dйfendeur ne dispose d’aucun droit ni d’aucun intйrкt lйgitime sur le nom de domaine <e-soleau.org>.

Selon le Requйrant, l’absence d’opposition du Dйfendeur а l’enregistrement de la marque E-SOLEAU effectuй auprиs de ses services traduit son acceptation а l’existence de cette marque.

Le Requйrant fait ensuite йtat d’un contrat conclu entre le Dйfendeur et la sociйtй Ideas & Patents Ltd, sociйtй de droit anglais ayant dйveloppй un service de dйpфt en ligne avec certification de la date et conservation du contenu, et auprиs de laquelle le Requйrant a obtenu une licence d’exploitation de ce procйdй.

Le Requйrant indique ainsi que le Dйfendeur s’йtait engagй contractuellement а ne pas porter atteinte aux inventions rйsultant du savoir-faire de la sociйtй Ideas & Patents Ltd, et que le Dйfendeur a rйitйrй sa volontй de se conformer а ses obligations de non-concurrence et de confidentialitй.

(iii) Enfin, le Requйrant allиgue que le Dйfendeur a enregistrй et utilise de mauvaise foi le nom de domaine <e-soleau.org>.

Le Requйrant considиre que la mauvaise foi du Dйfendeur se dйduit du fait que ce dernier n’a procйdй а l’enregistrement du nom de domaine litigieux que postйrieurement а l’enregistrement par le Requйrant de la marque E-SOLEAU et de noms de domaine comprenant les termes “e-soleau”.

Par ailleurs, le Requйrant subodore que le Dйfendeur a eu recours а un bureau d’enregistrement йtranger dans l’unique but de contourner les dispositions du Code des Postes et des Communications Electroniques imposant aux organismes en charge de l’attribution des noms de domaine de veiller au respect par leurs clients des droits de propriйtй intellectuelle des tiers.

Pour finir, le Requйrant a la certitude que l’organisation hiйrarchique interne au Dйfendeur est volontairement opposйe а ses droits. Cette certitude rйsulte du fait que la personne physique ayant procйdй а l’enregistrement du nom de domaine йtait informйe du projet technique avortй entre le Dйfendeur et la sociйtй Ideas & Patents Ltd.

Pour l’ensemble de ces raisons, le Requйrant sollicite de la Commission administrative de rendre une dйcision ordonnant le transfert du nom de domaine <e-soleau.org> а son bйnйfice.

B. Dйfendeur

Le Dйfendeur soulиve in limine litis l’incompйtence du Centre pour connaоtre du prйsent litige, au motif que le Dйfendeur est un йtablissement public de l’Etat franзais, qui ne peut, selon les rиgles internes franзaises, se soustraire aux rиgles qui dйterminent la compйtence des juridictions nationales en remettant а la dйcision d’un arbitre la solution d’un litige.

(i) S’agissant du fond du litige, le Dйfendeur fait valoir en premier lieu que le Requйrant ne peut se prйvaloir de la marque E-SOLEAU puisqu’il ressort des piиces justificatives communiquйes par ce dernier qu’il n’en est pas le titulaire.

(ii) En second lieu, le Dйfendeur expose кtre titulaire de la marque notoire ENVELOPPE SOLEAU, laquelle est de nature а lui confйrer un monopole d’exploitation sur la dйnomination “e-soleau” en ce qu’elle reprend а l’identique le terme distinctif de sa marque, i.e. le mot “soleau”. Le Dйfendeur estime en consйquence qu’il lui est lйgitime d’enregistrer le nom de domaine <e-soleau.org>.

Le Dйfendeur ajoute que son abstention а s’opposer а l’enregistrement par le Requйrant de la marque E-SOLEAU ne saurait constituer ni un renoncement а ses droits sur ses propres marques, ni une reconnaissance de la validitй de la marque enregistrйe par le Requйrant. Le Dйfendeur justifie son abstention par la nйcessitй pour lui de prйsenter des garanties d’impartialitй en tant que service chargй de la rйception de l’enregistrement des marques.

Le Dйfendeur prйcise йgalement qu’il ne s’est engagй contractuellement auprиs de la sociйtй Ideas & Patents Ltd que s’agissant du respect des savoir-faire et йventuels droits d’invention de ce dernier.

(iii) Enfin, le Dйfendeur dйclare qu’il a enregistrй et utilise le nom de domaine <e-soleau.org> de bonne foi.

Pour appuyer cette allйgation, le Dйfendeur prйcise qu’il a effectuй l’enregistrement du nom de domaine litigieux auprиs d’une sociйtй franзaise, qui a dйlйguй l’enregistrement а une sociйtй australienne. Le Dйfendeur n’aurait donc pas cherchй а contourner les dispositions lйgislatives et rйglementaires franзaises. De surcroоt, le Dйfendeur disposerait de plusieurs noms de domaine sur le gTLD “.org”.

Par ailleurs, le Dйfendeur ajoute que le site accessible via le nom de domaine en cause ne diffиre aucunement de celui accessible par son adresse principale.

Pour finir, selon le Dйfendeur, le fait que la personne physique ayant procйdй а l’enregistrement du nom de domaine a eu connaissance du projet technique abandonnй entre le Dйfendeur et la sociйtй Ideas & Patents Ltd, n’est pas de nature а prouver sa mauvaise foi. Le Dйfendeur ajoute que l’enregistrement du nom de domaine de l’INPI a йtй rйalisй pour sauvegarder ses droits atteints par le comportement frauduleux du Requйrant.

6. Discussion et conclusions

Le paragraphe 15 a) des Rиgles d’application prйvoit que “la Commission statue sur la plainte au vu des йcritures et des piиces qui lui ont йtй soumises et conformйment aux Principes directeurs, aux prйsentes Rиgles et а tout Principe ou Rиgle de droit qu’elle juge applicable”.

Au demeurant, le paragraphe 4.a. des Principes directeurs impose au Requйrant de prouver contre le Dйfendeur cumulativement que :

(i) son nom de domaine est identique ou semblable au point de prкter а confusion а une marque de produit ou de service sur laquelle le Requйrant a des droits; et

(ii) il n’a aucun droit sur le nom de domaine ni aucun intйrкt lйgitime qui s’y rattache; et

(iii) son nom de domaine a йtй enregistrй et est utilisй de mauvaise foi.

En consйquence, il y a lieu de s’attacher а vйrifier que chacune de ces conditions est bien remplie par le Requйrant.

A. Observations liminaires

(i) Langue de la procйdure

Le paragraphe 11 des Rиgles d’application permet а la Commission administrative de dйcider que la langue de la procйdure ne sera pas la langue du contrat d’enregistrement lorsque les circonstances de la procйdure administrative rendent cette dйcision opportune.

En l’espиce, en ce que les parties au litige sont toutes deux de nationalitй franзaise, la Commission administrative estime opportun d’opter pour la langue franзaise comme langue de procйdure administrative.

(ii) Compйtence de la Commission administrative

Le Dйfendeur soulиve а titre liminaire l’incompйtence de la Commission administrative au motif que le Dйfendeur est un йtablissement public franзais soumis aux dispositions du Code civil franзais et aux principes gйnйraux du droit franзais selon lesquels “les personnes morales de droit public ne peuvent pas se soustraire aux rиgles qui dйterminent la compйtence des juridictions nationales en remettant а la dйcision d’un arbitre la solution des litiges auxquels elles sont parties et qui se rattachent а des rapports relevant de l’ordre juridique interne”.

La Commission administrative rappelle que cette procйdure administrative ne constitue pas un “arbitrage” au sens des dispositions et principes invoquйs et qu’elle n’a pas lieu en France. Ainsi, la dйcision de la Commission administrative ne s’apparente pas а une sentence arbitrale (voir Hesco Bastion Limited v. The Trading Force Limited, Litige OMPI No. D2002-1038). Le litige qui est ainsi soumis а la Commission administrative ne relиve pas des rиgles juridiques internes auxquelles sont soumises les parties. Il n’appartient donc pas а la Commission administrative de se prononcer sur la validitй de la clause du contrat conclu entre le Dйfendeur et l’unitй d’enregistrement au regard du droit public franзais.

En consйquence, la Commission administrative ne peut se dйclarer incompйtente sur le fondement d’une rиgle juridique interne et invite le Dйfendeur а saisir toute juridiction interne qu’il estime compйtente.

(iii) Conformйment au paragraphe 10) des Rиgles d’application, la Commission conduit la procйdure administrative de la faзon qu’elle juge appropriйe tout en veillant а ce que les parties soient traitйes de faзon йgale et а ce que chacune ait une possibilitй йquitable de faire valoir ses arguments.

En l’espиce, la Commission a tenu а prendre connaissance de tous les arguments des parties, y compris ceux compris dans les observations effectuйes le 28 fйvrier 2008.

B. Identitй ou similitude prкtant а confusion

En application du paragraphe 4.a. des Principes directeurs, le Requйrant est tenu de dйmontrer que le nom de domaine litigieux est identique ou semblable, au point de prкter а confusion, а une marque de produits ou de services sur laquelle le Requйrant a des droits.

Pour que cette premiиre condition soit rйalisйe, la Commission rappelle qu’il est nйcessaire que le Requйrant apporte, prйalablement а cette dйmonstration, la preuve de l’existence de ses droits sur la marque а laquelle le nom de domaine litigieux est, selon lui, identique ou semblable au point d’entraоner une confusion dans l’esprit des internautes.

En l’espиce, le Requйrant indique que son gйrant, Monsieur Guillaume BEHUE, est titulaire, depuis le 10 novembre 2004, de la marque E-SOLEAU, qu’il a dйposйe en nom propre et sans mandataire auprиs de l’I.N.P.I.

La fiche I.N.P.I. de la marque E-SOLEAU n° FR 04 3 323 121 produite par le Requйrant apporte la confirmation que le titulaire de cette marque est Monsieur Guillaume BEHUE et non le Requйrant.

Au regard de ces premiers йlйments communiquйs par le Requйrant, la Commission administrative ne pouvait que constater que seul Monsieur BEHUE йtait titulaire de droits sur la marque E-SOLEAU. En effet, en l’absence d’йlйments de nature а prouver que Monsieur Guillaume BEHUE avait cйdй la marque E-SOLEAU au Requйrant, la Commission administrative ne pouvait reconnaоtre cette derniиre comme titulaire des droits sur la marque E-SOLEAU.

C’est pourquoi la Commission administrative a rendu une ordonnance en date du 18 fйvrier 2008, et ainsi invitй le Requйrant а bien vouloir produire une piиce attestant de ses droits sur la marque йvoquйe et ce, avant le 22 fйvrier 2008.

Le Requйrant s’est exйcutй en communiquant, le 22 fйvrier 2008, une attestation de son gйrant, Monsieur BEHUE, par laquelle ce dernier affirme avoir cйdй par acte sous seing privй du 3 octobre 2005 l’usage exclusif de la marque E-SOLEAU au bйnйfice du Requйrant.

Or, en application des dispositions de l’article 714-7 de Code de la propriйtй intellectuelle franзais, auquel sont soumises les Parties en raison de leur nationalitй, toute transmission ou modification des droits attachйs а une marque enregistrйe doit, pour кtre opposable aux tiers, кtre inscrite au registre national des marques.

En l’espиce, le Requйrant ne produit ni l’acte de cession du 3 octobre 2005, ni l’inscription de ce contrat au registre national des marques. La Commission administrative estime donc ne pas кtre en mesure de se prononcer sur la rйalitй de cette cession а la date de communication de la plainte du Requйrant.

En se contentant de produire une attestation йcrite par son propre gйrant, la transmission des droits telle qu’invoquйe par le Requйrant, ne peut кtre opposable aux tiers, incluant par lа-mкme le Dйfendeur.

En outre, la Commission administrative a pris note de la demande d’intervention volontaire de Monsieur BEHUE au litige. Cependant, une telle intervention volontaire n’йtant pas prйvue par les Principes directeurs, ni par les Rиgles d’application, la Commission administrative n’a pu y donner une suite favorable.

Dиs lors, la Commission administrative ne peut que constater une dichotomie entre la personne du titulaire des droits sur la marque en cause et la personne du Requйrant.

Il est une position de principe des commissions administratives de considйrer que lorsque la plainte est dйposйe par un requйrant ne disposant pas des droits sur la marque avec laquelle une confusion est susceptible d’кtre engendrйe par le nom de domaine litigieux, les conditions du paragraphe 4.a. des Principes directeurs ne sont pas remplies (voir par exemple Thelonious S. Monk v. The Holding Compagny, Litige OMPI No. D2003-0828, NBA Properties Inc v. Adirondack Software Corp., Litige OMPI n° D2000-1211).

Par consйquent, la Commission administrative ne peut que considйrer que, en ce qu’il n’est pas titulaire des droits sur la marque E-SOLEAU, le Requйrant a йchouй dans la dйmonstration de la premiиre condition du paragraphe 4.a. des Principes directeurs.

Dans la mesure oщ les Principes directeurs imposent que les trois conditions posйes par le paragraphe 4.a. soient remplies cumulativement pour qu’une plainte reзoive une suite favorable, la Commission administrative n’est pas tenue de s’assurer que les deux autres conditions soient ou non remplies.

Cependant, la Commission administrative estime opportun de procйder а l’analyse des deux autres conditions posйes par le paragraphe 4.a. des Principes directeurs.

C. Droits ou lйgitimes intйrкts

En application du paragraphe 4.a. des Principes directeurs, le Requйrant doit dйmontrer que le Dйfendeur ne dispose d’aucun droit sur le nom de domaine qui fait l’objet de la plainte, ni d’aucun lйgitime s’y rapportant. La Commission administrative n’a donc pas а apprйcier l’engagement contractuel du Dйfendeur de ne pas porter atteinte aux inventions issues du savoir-faire de la sociйtй Ideas & Patents Ltd.

Au regard de la difficultй pour le Requйrant de rapporter la preuve nйgative du dйfaut de droits ou d’intйrкt lйgitime du Dйfendeur sur le nom de domaine, les commissions administratives admettent communйment que l’obligation de prouver mise а la charge du Requйrant est allйgйe. Ainsi, il est seulement demandй au Requйrant de dйmontrer qu’а premiиre vue, le Dйfendeur n’a pas de droit ou d’intйrкt lйgitime sur le nom de domaine. Ce faisant, la charge de la preuve est alors transmise au Dйfendeur et ce dernier doit prouver qu’il dйtient des droits ou qu’il a un intйrкt lйgitime sur le nom de domaine objet du litige (voir The Vanguard Group, Inc. v. Lorna King, OMPI Litige No. D2002-1064).

En l’espиce, le Requйrant expose que, d’une part, le Dйfendeur n’a pas manifestй d’opposition а l’enregistrement de la marque E-SOLEAU, et que, d’autre part, ce dernier s’йtait engagй contractuellement а ne pas porter atteinte aux inventions rйsultant du savoir-faire du Requйrant.

La Commission administrative considиre que l’absence d’opposition de la part du Dйfendeur, bien que pouvant кtre justifiйe au regard de son statut particulier sur lequel la Commission administrative n’a pas а se prononcer, est de nature а dйmontrer qu’а premiиre vue le Dйfendeur ne dispose pas d’un droit ou d’un intйrкt lйgitime sur le nom de domaine <e-soleau.org>.

Ceci йtant exposй, la charge de la preuve est transmise au Dйfendeur qui doit alors dйmontrer qu’il dйtient un droit ou un intйrкt lйgitime sur le nom de domaine <e-soleau.org>.

En application du paragraphe 4.c. des Principes directeurs, la preuve d’un droit ou d’un intйrкt lйgitime sur un nom de domaine peut кtre constituйe en particulier lorsqu’avant d’avoir eu connaissance du litige, le Dйfendeur a utilisй le nom de domaine ou un nom correspondant au nom de domaine en relation avec une offre de bonne de produits ou de services.

En l’espиce, le Dйfendeur allиgue кtre titulaire de droits sur la marque notoire ENVELOPPE SOLEAU, dans les conditions de l’article 6 bis de la Convention de Paris du 20 mars 1883.

La notoriйtй s’apprйcie au regard d’un public concernй sur un territoire dйterminй. Le public concernй peut recouvrir soit le “grand public”, soit un public plus spйcialisй, tel qu’un public de professionnel par exemple.

En l’espиce, la notoriйtй doit s’apprйcier au regard d’un public ayant une prйoccupation particuliиre en matiиre probatoire, et notamment ayant une nйcessitй de se constituer une preuve datйe d’un savoir-faire ou d’une crйation. Ce public a connaissance des divers moyens lui permettant d’attester d’une date certaine, et notamment la lettre recommandйe avec avis de rйception, l’enveloppe Soleau ou encore le dйpфt auprиs d’un officier public titulaire d’un office ministйriel.

Afin de dйmontrer la notoriйtй de sa marque ENVELOPPE SOLEAU auprиs de ce public, Dйfendeur expose qu’il exploite depuis prиs d’un siиcle un service dйsignй “Enveloppe Soleau” permettant aux usagers de justifier de l’existence d’un document а une date certaine.

Le Dйfendeur produit des copies de textes rиglementaires et des dйcisions de justice associant l’expression “Enveloppe Soleau” а la personne du Dйfendeur, et fait йtat d’un trиs grand nombre d’occurrences le liant а cette expression sur le rйseau Internet.

La Commission administrative considиre que, au regard de l’anciennetй et la durйe de l’usage de la dйnomination ENVELOPPE SOLEAU par le Dйfendeur, et de la diffusion massive du produit visй, le Dйfendeur dispose а tout le moins d’un intйrкt lйgitime sinon d’une marque notoire sur cette dйnomination.

Cet intйrкt lйgitime sur la dйnomination ENVELOPPE SOLEAU permet au Dйfendeur d’utiliser celle-ci dans le cadre de son activitй, notamment en enregistrant et exploitant des noms de domaine sur le rйseau Internet.

Le nom de domaine litigieux <e-soleau.org> caractйrise une telle utilisation par le Dйfendeur en ce qu’il reprend le terme distinctif de la dйnomination sur laquelle ce dernier dispose a minima d’un intйrкt lйgitime, c’est-а-dire le terme “soleau”. Le terme “enveloppe” n’est ici que purement descriptif du produit offert par le Dйfendeur а ses usagers afin de leur permettre de dater de faзon certaine la crйation de leur œuvre. Ainsi, le fait que le terme “enveloppe” soit remplacй par l’abrйviation “e-” ne permet pas de conclure а l’absence de droit ou d’intйrкt lйgitime du Dйfendeur sur le nom de domaine <e-soleau.org>.

Par consйquent, la Commission administrative constate que le Dйfendeur dispose a minima d’un intйrкt lйgitime sur le nom de domaine <e-soleau.org>.

La seconde condition posйe par le paragraphe 4.a. des Principes directeurs n’est donc pas remplie.

D. Enregistrement et usage de mauvaise foi

En application du paragraphe 4.a. des Principes directeurs, le Requйrant doit dйmontrer que le nom de domaine en cause a йtй enregistrй et est utilisй de mauvaise foi par le Dйfendeur.

En l’espиce, le Requйrant allиgue que la mauvaise fois du Dйfendeur se dйduit d’un ensemble de circonstances que la Commission administrative se doit d’analyser.

(i) En premier lieu, le Requйrant expose que l’enregistrement par le Dйfendeur du nom de domaine litigieux postйrieurement а l’enregistrement de la marque E-SOLEAU et des noms de domaine comprenant l’expression “e-soleau” traduit cette mauvaise foi.

En l’espиce, le Dйfendeur justifie avoir utilisй depuis prиs d’un siиcle la dйnomination “Enveloppe Soleau” pour assurer la promotion et la commercialisation de l’Enveloppe Soleau. A cette fin, le Dйfendeur produit en effet des йlйments propres а permettre а la Commission administrative de la rйalitй de ces affirmations.

La Commission administrative a ainsi pu s’assurer que le Dйfendeur utilise l’expression ENVELOPPE SOLEAU depuis des dizaines d’annйes, ce qui constitue un usage largement antйrieur а l’enregistrement par le Requйrant des noms de domaine dont il dispose aujourd’hui.

(ii) En second lieu, le recours а un bureau d’enregistrement йtranger caractйrise, selon le Requйrant, la mauvaise foi du Dйfendeur, en ce qu’il n’interviendrait que dans l’unique but de contourner les dispositions du Code des Postes et des Communications Electroniques imposant aux organismes en charge de l’attribution des noms de domaine de veiller au respect par leurs clients des droits de propriйtй intellectuelle des tiers.

En l’espиce, la Commission administrative constate que le Dйfendeur s’est en rйalitй adressй а une unitй d’enregistrement accrйditйe par l’ICANN, qui a chargй une autre unitй de procйder а l’enregistrement du nom de domaine litigieux.

Dиs lors, l’on ne peut soupзonner le Dйfendeur d’avoir voulu contourner les dispositions du Code des Postes et des Communications Electroniques. La mauvaise foi ne peut donc кtre retenue de ce chef.

(iii) En troisiиme lieu, le Requйrant expose que la personne physique ayant procйdй а l’enregistrement du nom de domaine йtait au fait du projet technique avortй entre le Dйfendeur et la sociйtй Ideas & Patents Ltd.

En l’espиce, la Commission administrative considиre que cette allйgation ne peut, а elle seule, caractйriser la mauvaise foi du Dйfendeur dans l’enregistrement du nom de domaine en cause.

Par consйquent, la Commission administrative constate que la mauvaise foi du Dйfendeur dans l’enregistrement et l’utilisation du nom de domaine <e-soleau.org> ne peut кtre retenue.

La troisiиme condition posйe par le paragraphe 4.a. des Principes directeurs n’est donc pas remplie.

7. Dйcision

Conformйment aux paragraphes 4.i) des Principes directeurs et 15 des Rиgles d’application, la Commission administrative rejette la plainte.