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Centre d'arbitrage et de mйdiation de l'OMPI
Dйcision de la commission administrative
Fromageries Bel SA contre Monsieur Mannino
Litige N° D2001-1374
1. Les parties
La Requérante est la société Fromageries Bel, société anonyme, 4, rue d'Anjou, 75008 Paris, France.
Le mandataire de la Requérante est Monsieur Jean-Marie Algoud, Cabinet @MARK, 3, rue de Provence, 75009 Paris, France.
Le Défendeur est Monsieur Christophe Mannino, 2 Donovan Avenue, Londres N10 2JX, Royaume-Uni.
2. Nom de domaine et unité d'enregistrement
Le litige concerne le nom de domaine <vachequirit.com>.
L'unité d'enregistrement auprès de laquelle le nom de domaine est enregistré est Internet Domain Registrars.
3. Rappel de la procédure
Une plainte a été déposée auprès du Centre d'arbitrage et de médiation de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle ("le Centre") le 19 novembre 2001 sur support papier et a été reçu par courrier électronique le 26 novembre 2001.
Il a été accusé réception de la plainte le 21 novembre 2001.
Le 26 novembre 2001, une demande de vérification d'enregistrement a été envoyée et la réponse à cette demande a été reçue de l'unité d'enregistrement le 11 décembre 2001.
Le 12 décembre 2001, le Centre a notifié aux parties la langue de la procédure, soit le français.
Le Centre a aussi fait état auprès de la Requérante d'un défaut de la plainte quant au paragraphe 8 (choix du for).
Toujours le même jour, la Requérante a fait parvenir au Centre la copie électronique de la plainte corrigée et le 3 janvier 2002 la version sur support papier.
Le 14 décembre 2001, le Centre a confirmé la langue de la procédure, soit le français.
Le 8 janvier 2002, le respect des conditions de forme de la plainte a été vérifié et ladite plainte a été notifiée au Défendeur le même jour.
Le 8 janvier 2002 constitue donc la date d'ouverture de la procédure administrative.
Le Défendeur devait faire parvenir sa réponse au plus tard le 28 janvier 2002 et ce dernier n'ayant pas répondu, la notification du défaut lui a été faite le 29 janvier 2002.
L'expert unique ayant accepté sa mission et remis une déclaration d'impartialité et d'indépendance, le Centre a notifié sa nomination aux parties le 12 février 2002.
Le litige entre dans le champ d'application des Principes directeurs régissant le règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine ("Principes directeurs") et la Commission administrative est compétente pour rendre une décision.
Dans la mesure où les deux parties sont de langue maternelle française et qu'elles se sont exprimées en français dans leur échange de courriers, la Commission, bien que le contrat d'enregistrement ait probablement été conclu en anglais, décide par application de l'article 11 des Règles d'application des Principes directeurs régissant le règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine ("les Règles") que la procédure doit être conduite en français.
La décision est rendue dans le délai imparti, lequel expire le 26 février 2002.
4. Les faits
Les Fromageries Bel SA sont titulaires de la marque française la vache qui rit (marque combinée N° 98749894 du 16 septembre 1998 et d'un enregistrement international y correspondant N° 709719 du 26 février 1999).
La Requérante a soumis à cet effet deux extraits du Registre des marques respectifs ainsi qu'une liste dont il ressort que la marque LA VACHE QUI RIT est déposée dans 156 pays.
En outre, la Requérante soumet des preuves relatives aux nombreuses campagnes publicitaires qu'elle a menées en France et dans beaucoup d'autres pays ainsi que des sondages de notoriété.
Les enregistrements concernent notamment la classe N° 29.
Le Défendeur a enregistré le nom de domaine auprès de l'unité d'enregistrement le 22 septembre 2000.
Il ressort d'un échange de courriers électroniques soumis par la Requérante ce qui suit :
- Le 3 avril 2001, la Requérante par l'intermédiaire de son conseil a invité le Défendeur à rétrocéder le nom de domaine à la société Fromageries Bel à titre gratuit au vu de l'atteinte manifeste au droit de marque de la Requérante.
- Le même jour, le Défendeur a répondu qu'il n'entendait pas s'opposer à la cession du nom de domaine en question. Il précise que l'achat du nom de domaine a été fait dans le but de créer un musée virtuel concernant la marque elle-même et son évolution à travers le temps. Il conclut son e-mail en relevant que l'acquisition du nom de domaine et sa cession auraient un coût et demande quelle somme la Requérante serait prête à lui payer.
- Toujours le 3 avril 2001, le conseil de la Requérante a répondu que sa cliente serait disposée à rembourser au Défendeur les frais de l'unité d'enregistrement qui devraient sauf erreur se monter à quelques centaines de francs.
- Après des négociations orales qui ne sont pas reflétées dans le dossier en mains de la Commission administrative, les parties ont repris leur communication électronique début septembre 2001.
- Le 4 septembre 2001, le Défendeur a envoyé une facture de FF 20'000.-- qui provoquait le même jour la réponse suivante du conseil de la Requérante :
"(…)
Lors de vos précédents échanges, la société Fromageries Bel s'est engagée à travers son représentant à assumer les frais et procédures de transfert du nom. Cette société est donc prête à couvrir vos frais d'enregistrement à hauteur de 300 Frs, dès que vous nous aurez transmis le code d'accès pour pouvoir gérer le nom.
Nous vous saurions donc gré de bien vouloir nous faire parvenir une nouvelle facture, pour un montant de 300 Frs, de manière à nous permettre de vous régler. Bien entendu, la facture pour un montant de 20'000 Frs déjà envoyée, et qui semble montrer un désir manifeste de gagner de l'argent en usurpant une marque déposée de la société Fromageries Bel, est transmise aux représentants de cette société de manière à leur permettre d'agir dans le cas où nous resterions sans réponse positive et rapide de votre part à notre demande de transfert."
- Le même jour, le Défendeur a répondu qu'il serait parti d'un montant de FF 20'000.-- lors d'une discussion avec les responsables de la Requérante.
- En revanche, le conseil de la Requérante refusait cette requête et maintenait sa position exprimée dans son précédent message électronique.
- D'autres e-mails se sont succédés aboutissant à une dernière offre de la part de la Requérante de payer la somme de FF 1'000.-- pour effectuer le transfert du nom de domaine en question.
- Le Défendeur ne semble pas avoir accepté cette proposition dans le délai qui lui a été imparti. Par conséquent, la Requérante a engagé la présente procédure.
- Dans un e-mail au Centre du 16 décembre 2001, le Défendeur a indiqué :
"Anyway, as far as i'm concern, this thing shouldn't go further as i gave up using this domain name (and kindly forwarded it months ago to fromageries-bel.com) for the project i had and i agreed to sale the domain weeks ago for the amount proposed by Clotilde Piednoel (2'000 francs).
I'm waiting for a payment from them in order to make the appropriate change of delegation."
- Cette prise de position a été rejetée par la Requérante en soulignant que :
"le paiement ne devait être effectué que lorsque celui-ci (le Défendeur) avait communiqué les codes de gestion du nom de domaine afin de permettre à notre partenaire technique d'effectuer le rapatriement technique dudit nom; ce qui n'a jamais été fait par Mr Mannino, malgré diverses relances !"
5. Argumentations des parties
(i) Requérante
La Requérante demande à la Commission administrative de rendre une décision ordonnant que le nom de domaine <vachequirit.com> lui soit transféré.
Se fondant sur le paragraphe 4 (b) et (c) des Principes directeurs, la Requérante avance les arguments suivants :
Le nom de domaine <vachequirit.com> reproduit de manière identique ou quasi identique la marque de la Requérante au point de prêter à confusion avec les marques de produits sur lesquels la Requérante a des droits.
L'article défini "la" n'est pas repris par le Défendeur dans son nom de domaine mais cela n'est pas de nature à écarter les risques de confusion.
Le Défendeur doit être considéré comme n'ayant aucun droit sur le nom de domaine qui fait l'objet de la plainte ni aucun intérêt légitime s'y rapportant puisque ce nom de domaine a été déposé dans le seul but d'être revendu à la Requérante.
De plus, le Défendeur ne pouvait ignorer les droits dont dispose la Requérante sur le nom Vache qui rit puisque ce nom est notoirement utilisé depuis de très nombreuses années.
Enfin, toujours selon la Requérante, le nom de domaine doit être considéré comme ayant été enregistré et étant utilisé de mauvaise foi puisque, dès les premiers contacts entre les parties, le Défendeur a reconnu les faits et a accepté le principe de rétrocession du nom de domaine en cause.
Toutefois, il a demandé dans un premier temps la somme que la Requérante était prête à dépenser pour cette cession. Le prix a été fixé d'abord à FF 200.-- puis à FF 300.-- et enfin à FF 20'000.--, ce qui démontre la mauvaise foi du Défendeur et surtout son but de monnayer ce dépôt frauduleux au prix fort.
(ii) Défendeur
Le Défendeur n'a pas soumis de réponse.
Dans un e-mail du 16 décembre 2001 adressé au Centre, il s'est montré étonné que cette affaire soit instruite puisqu'il aurait abandonné le nom de domaine cédé à fromageries-bel.com et accepté le montant de FF 2'000.-- pour la cession.
6. Discussions et conclusions
Le paragraphe 4 (a) des Principes directeurs impose a la Requérante de prouver contre le Défendeur cumulativement que :
i) son nom de domaine est identique ou semblable au point de prêter à confusion avec une marque de produits ou de services sur laquelle la Requérante a des droits;
ii) il n'a aucun droit sur le nom de domaine ni aucun intérêt légitime qui s'y attache;
iii) son nom de domaine a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi.
A. Identité ou similarité
Il n'y a aucun doute pour la Commission que le nom de domaine <vachequirit.com> est similaire à la marque de LA VACHE QUI RIT de la Requérante, étant précisé que l'article "la" est négligeable dans la comparaison des deux signes distinctifs.
B. Droit ou intérêt légitime du Défendeur quant au nom de domaine litigieux
Il résulte des éléments du dossier que le Défendeur n'a pas de liens juridiques avec la Requérante et ne bénéficie d'aucune autorisation lui permettant de faire usage du nom LA VACHE QUI RIT ou VACHE QUI RIT.
Il ne résulte pas non plus des documents échangés et spécialement en raison de l'absence de réponse sur le fond du Défendeur que ce dernier, avant d'avoir eu connaissance du litige, ait utilisé le nom de domaine en relation avec une offre de bonne foi de produits ou de services ni qu'il soit connu sous le nom de domaine considéré ou qu'il fasse un usage loyal du nom de domaine conformément au paragraphe 4 (c) des Principes directeurs.
Dans ses différents courriers et également dans sa dernière prise de position vis-à-vis du Centre, le Défendeur a d'ailleurs exprimé qu'il était sur le principe d'accord de céder le nom de domaine en question, montrant ainsi qu'il était conscient du fait de n'avoir aucun droit sur ce nom.
En outre, on voit mal comment le Défendeur aurait pu légitimement établir un site avec un musée virtuel par rapport au produit de la Requérante comme il le prétend sans l'accord de cette dernière.
La Commission conclut dès lors que le Défendeur n'avait pas de droit ou d'intérêt légitime quant au nom de domaine concerné.
C. Enregistrement et utilisation de mauvaise foi
Le Défendeur a mené des négociations orales et écrites avec la Requérante afin d'obtenir un paiement moyennant la cession du nom de domaine.
Le dossier contient certaines lacunes par rapport aux discussions que les parties ont eues à cet égard entre mai et août 2001. Toutefois, le Défendeur ne conteste pas avoir exigé à un certain moment FF 20'000.--, ce qui est clairement au-delà des frais que la jurisprudence des Commissions administratives a acceptés à titre d'indemnisation pour les frais de cession. La Requérante a par ailleurs démontré par sa correspondance qu'elle n'était pas prête à accepter de payer une somme si considérable.
La Commission est dès lors d'avis que le Défendeur a enregistré le nom de domaine en cause uniquement dans le but de vendre ou de céder d'une autre manière à la Requérante l'enregistrement litigieux à titre onéreux et pour un prix excédant le montant des frais déboursés pour l'enregistrement au sens du paragraphe 4 (b) (i) des Principes directeurs.
A ce titre, la Commission relève également le fait qu'il s'agit d'une marque notoire dont le Défendeur ne pouvait ignorer l'existence.
Le fait que le nom de domaine litigieux ne fait pas l'objet d'une exploitation sérieuse par le Défendeur ne change rien dans cette conclusion. En effet, des décisions des Commissions administratives ont à plusieurs reprises retenu que la détention d'un nom de domaine sans qu'un site actif y corresponde pouvait dans certains cas être considérée comme une utilisation de mauvaise foi dudit nom de domaine (voir Décision OMPI D2000-0003, Telstra contre Nuclear Marshmallows; OMPI D2000-0098, Christian Dior Couture contre Liage International Inc.; etc.).
Les circonstances décrites précédemment traduisent le fait qu'en détenant ce nom inactif en essayant de le monnayer à la Requérante et en ne se manifestant plus après l'échec des négociations et une mise en demeure par la Requérante, ladite détention a correspondu à une utilisation de mauvaise foi du nom de domaine en cause.
La Commission administrative estime alors que les divers éléments prévus au paragraphe 4 (a), (i) à (iii) des Principes directeurs sont cumulativement réunis.
7. Décision
En conséquence, la Commission ordonne que l'enregistrement du nom de domaine <vachequirit.com> soit transféré à la Requérante, la société Fromageries Bel SA.
Thomas Legler
Expert unique
Date: 21 février 2002