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Centre d'arbitrage et de mйdiation de l'OMPI
Dйcision de la commission administrative
Télévision Française 1, TF1 Entreprises, TF1 VIDEO c. Christophe Delesalle
Litige n° D 2002-0037
1. Les parties au litige
1.1. Les requérants
Les requérants sont :
- la société TELEVISION FRANÇAISE 1 (TF1), Société Anonyme à Conseil d’Administration ayant son principal établissement en France, 1 Quai du Point du Jour, 92100 Boulogne Billancourt, France;
- la société TF1 ENTREPRISES, Société par Actions Simplifiées ayant son principal établissement en France, 305 avenue Le Jour se Lève, 92100 Boulogne Billancourt, France;
- la société TF1 VIDEO, Société par Actions Simplifiées à associé unique ayant son principal établissement en France, 305 avenue Le Jour se Lève, 92100 Boulogne Billancourt, France.
Les requérants sont représentés par e-LEX CONSEIL, Conseils en Propriété Industrielle, 68 rue Pierre Charron, Paris, France.
1.2. Le défendeur est Monsieur Christophe Delesalle, demeurant 6, rue des Jonquilles, Perros-Guirec, France.
Le défendeur est présent, mais non représenté à la procédure.
2. Le nom de domaine et l’unité d’enregistrement
2.1. Le nom de domaine litigieux est <tf1-video.com>.
2.2. L’unité d’enregistrement auprès de laquelle le nom de domaine litigieux a été enregistré est : GANDI, Société à Responsabilité Limitée, 38 rue Notre-Dame de Nazareth, Paris, France.
2.3. Cette unité d’enregistrement a confirmé toutes les données du présent litige qui ont été présentées par les requérants dans la plainte qu’il a formée devant l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle.
3. Rappel de la procédure
3.1. Une plainte a été déposée par les sociétés TELEVISION FRANÇAISE 1 (TF1), TF1 ENTREPRISES et TF1 VIDEO auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné l’ «OMPI») en date du 17 janvier 2002, par courrier électronique et reçue sur support papier le 21 janvier 2002, et ce conformément aux Principes directeurs régissant le règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après désignés «les Principes directeurs») adoptés et publiés par l’Internet Corporation for Assigned Names and Numbers (ICANN).
3.2. L’OMPI a accusé réception de la plainte le 23 janvier 2002.
3.3. Le 24 janvier 2002, l’OMPI a adressé la requête à l’unité d’enregistrement du nom de domaine litigieux aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par les requérants. L’unité d’enregistrement a confirmé l’ensemble des données du litige en date du 1er février 2002.
3.4. Le 4 février 2002, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au défendeur.
3.5. Le 22 février 2002, le défendeur a adressé à l’OMPI sa réponse par courrier électronique.
3.6. Le 25 février 2002, l’OMPI accusait réception au défendeur de sa réponse.
3.7. Le 7 mars 2002, l’OMPI notifiait la nomination de l’Expert.
3.8. Le 7 mars 2002, l’ensemble des pièces du présent litige était adressé à la Commission administrative constituée d’un seul Expert signataire des présentes.
3.9. En application de l’article 11 des Règles d’application des Principes directeurs, la Commission décide que la langue de procédure est le français, dans la mesure où les deux parties sont de langue maternelle française et, qu’elles se sont exprimées en français dans leurs échanges de courriers et qu’elles résident en France.
4. Les faits
4.1. La société TF1 ENTREPRISES est titulaire des marques suivantes :
- marque française "TF1 VIDEO" n° 93 478 284 enregistrée le 28 juillet 1993, couvrant les classes 9, 16, 25, 26, 28, 35, 38 et 41;
- marque française semi-figurative "MAITRISER SA CONDUITE TF1 VIDEO" n° 95 568 576 enregistrée le 21 avril 1995, couvrant les classes 9, 16 et 41.
4.2. La société TF1 ENTREPRISES a accordé une autorisation d’usage à la société TF1 VIDEO sur les marques décrites ci-dessus.
4.3. En outre, les termes "TF1 VIDEO" constituent la dénomination sociale de la société TF1 VIDEO.
4.4. La société TF1 VIDEO possède également les noms de domaine <tf1video.fr> et <tf1video.com> et exploite le site Web qui leur est attaché.
4.5. Le défendeur a enregistré le nom de domaine <tf1-video.com> le 6 avril 2001.
Il n’invoque aucun droit au titre de la dénomination sociale, du nom commercial, de l’enseigne ou encore un droit de marque sur la dénomination "tf1-video".
4.6. Il est établi que le défendeur a procédé à l’enregistrement de son nom de domaine auprès de GANDI.
5. Moyen des parties
A. Les requérants :
Les requérants demandent à la Commission administrative de rendre une décision ordonnant que le nom de domaine <tf1-video.com> soit transféré à la société TF1 VIDEO.
Au soutien de leur plainte, sur le fondement du paragraphe 4.a)b)c) des Principes directeurs et paragraphe 3 des Règles d’application, ils avancent les arguments suivants :
5.1. En premier lieu, le Groupe TF1 bénéficie d’une renommée mondiale dans le secteur audiovisuel.
A ce titre, la société TELEVISION FRANÇAISE 1 est le réseau de télévision privé le plus connu et le plus important au niveau européen. Cette société mène ses affaires depuis plus de 40 ans sous le nom de TF1.
En outre, la société TF1 VIDEO est considérée comme étant le plus important éditeur vidéo en France.
5.2. Le 6 avril 2001, Christophe Delesalle a enregistré, à son nom, le nom de domaine <tf1-video.com>.
Il convient de ne pas tenir compte de l’extension ".com" ni de l’adjonction d’un tiret pour apprécier la similarité du nom de domaine avec la marque des requérants. Ainsi, en enregistrant le nom de domaine <tf1-video.com>, le défendeur a repris à l’identique la marque "TF1 VIDEO" des requérants. Il a également imité les marques "TF1".
5.3. Le défendeur étant de nationalité française, il ne pouvait ignorer l’existence du Groupe TF1 et de sa filiale TF1 VIDEO au moment de l’enregistrement du nom de domaine, ni par la suite.
5.4. Par ailleurs, le défendeur ne possède aucune marque contenant les termes "TF1 VIDEO" ou le terme "TF1" seul.
Le défendeur n’exerce aucune activité sous le nom TF1 VIDEO.
5.5. En outre, les sociétés TELEVISION FRANÇAISE 1, TF1 ENTREPRISES et TF1 VIDEO n’ont jamais accordé de licence ou tout autre type d’autorisation au défendeur pour utiliser la marque "TF1 VIDEO".
5.6. Ainsi, le défendeur n’a aucun droit sur le nom de domaine ni aucun intérêt légitime qui s’y attache.
5.7. Enfin, le défendeur a enregistré le nom de domaine litigieux pour une seule année et n’exploite aucun site sous le nom de domaine <tf1-video.com>.
Le nom de domaine <tf1-video.com> a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi, le défendeur ayant enregistré le nom de domaine litigieux dans le seul but d’en tirer un profit financièrement.
5.8. En conséquence, le requérant demande à la Commission administrative de rendre une décision ordonnant le transfert de l’enregistrement du nom de domaine, objet du litige.
B. Le défendeur :
Le défendeur, quant à lui, fait valoir les arguments suivants :
5.9. Le défendeur ainsi que deux de ses partenaires ont travaillé quant à l’opportunité de créer une start-up dans le domaine de la vidéo à la demande, sur Internet haut-débit.
A cet effet, il avait prévu notamment de contacter TF1 pour monter un partenariat commercial.
C’est la raison pour laquelle il a enregistré le nom de domaine <tf1-video.com> afin de permettre à la start-up dénommée KELFILM d’exploiter un service de vidéo-club sur Internet pour le compte de TF1, en prévoyant un potentiel partenariat avec cette dernière.
5.10. L’employeur du défendeur, à savoir FRANCE TELECOM, intéressé par le projet KELFILM, a autorisé le défendeur à suivre une formation interne d’entrepartenariat pour mener à terme son projet.
5.11. Cependant, et alors que TF1 n’avait pas encore été contactée, FRANCE TELECOM n’a finalement pas souhaité donner suite au projet du défendeur.
En conséquence, ce projet a été mis en veille.
5.12. Or, des offres de rachat spontanées ont été faites sur les noms de domaine enregistrés.
5.13. C’est la raison pour laquelle le défendeur a contacté la société TF1. Cependant, le défendeur affirme qu’avant ce contact, il n’avait jamais eu connaissance de l’existence de la société TF1 VIDEO en tant que filiale de la société TF1, ni de son activité sur Internet.
5.14. Le défendeur reconnaît les allégations du requérant concluant au fait que le défendeur n’a aucun droit sur <tf1-video.com>.
requérant
5.15. Cependant, le défendeur entend réfuter les allégations qui tendraient à démontrer qu’il n’a aucun intérêt légitime sur le nom de domaine ou qu’il l’a enregistré de mauvaise foi, dans la mesure où l’absence d’exploitation du site "www.tf1-video.com" est lié au fait que le défendeur et ses partenaires n’ont pas réussi à finaliser le projet et en conséquence obtenir un partenariat avec TF1.
- En effet, le caractère risqué de ce projet explique qu’il n’ait toujours pas abouti à ce jour.
- Par ailleurs, le nom de domaine n’a pas été enregistré essentiellement aux fins de vendre, de louer ou de céder d’une autre manière l’enregistrement.
- L’opportunité de revendre le nom de domaine <tf1-video.com> s’est présentée au défendeur par l’offre spontanée d’un tiers.
- En outre, le défendeur n’a pas enregistré le nom de domaine <tf1-video.com> en vue d’empêcher le requérant d’utiliser sa marque sous forme de nom de domaine, ce dernier ayant déjà enregistré celle-ci deux ans plus tôt comme nom de domaine sous la forme <tf1video.fr> et <tf1video.com>.
- En tout état de cause, le défendeur n’est pas coutumier d’une telle pratique et n’a jamais cherché, antérieurement, à revendre un nom de domaine à qui que ce soit.
- Le requérant et le défendeur ne sont pas concurrents et les noms de domaine n’ont pas été enregistrés par le défendeur en vue de perturber les opérations commerciales du requérant.
- Le requérant dispose déjà des noms de domaine lui servant à exercer son activité sur Internet et le défendeur n’a jamais prétendu utiliser le nom de domaine contesté sans l’accord du requérant.
- Le défendeur n’a pas enregistré le nom de domaine <tf1-video.com> en vue de tenter d’attirer, à des fins lucratives, les utilisateurs de l’Internet sur un autre site Web car il savait qu’il ne pourrait utiliser le nom de domaine contesté sans l’accord du requérant et ignorait, au moment de l’enregistrement, l’existence des sites Web "www.tf1video.fr et "www.tf1video.com".
6. Discussion
6.1. Le paragraphe 15 (a) des Règles prévoit que "la Commission statue sur la plainte au vu des écritures et des pièces qui lui ont été soumises et conformément au Principe directeur aux présentes Règles et à tout Principe ou Règle de droit qu’elle juge applicable".
6.2. Au demeurant, le paragraphe 4 (a) des Principes directeurs impose au requérant de prouver contre le défendeur cumulativement que :
a) son nom de domaine est identique ou semblable au point de prêter à confusion à une marque de produit ou de service sur laquelle le requérant a des droits;
b) il n’a aucun droit sur le nom de domaine ni aucun intérêt légitime qui s’y rattache;
c) son nom de domaine a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi.
6.3. En conséquence, il y a lieu de s’attacher à répondre à chacune des trois conditions prévues par le paragraphe 4 (a) des Principes directeurs.
a) Le nom de domaine litigieux est identique ou semblable au point de prêter à confusion à une marque de produit ou de service sur laquelle le requérant a des droits.
Les requérants ont établi détenir des droits à titre de marques sur la dénomination "TF1 VIDEO", et ce pour désigner des produits et services en relation avec les médias et Internet.
La Commission considère que le nom de domaine <tf1-video.com> est identique aux marques antérieures appartenant au requérant, l’adjonction du suffixe ".com" et d’un tiret ne revêtant pas de caractère distinctif dans le domaine des services rendus sur Internet.
En effet, l’adjonction de ".com" et du tiret est inopérante dans la mesure où elle ne confère pas au nouvel ensemble ainsi composé un sens nouveau de nature à éviter un risque de confusion avec la marque "TF1 VIDEO" (Décision OMPI n° D2000-0834, 4 septembre 2000, CBS Broadcasting Inc. c./ Worldwide Web Inc.).
En conséquence, il y a lieu de considérer que le nom de domaine <tf1-video.com> est identique à la marque "TF1 VIDEO" détenue et exploitée par les requérants.
b) Le défendeur n’a aucun droit sur le nom de domaine ni aucun intérêt légitime qui s’y rattache.
Il ressort des éléments du dossier que le défendeur n’a aucun droit de propriété intellectuelle ou autre sur la dénomination "TF1-VIDEO".
En outre, il n’est pas établi que le défendeur ait obtenu une quelconque autorisation des sociétés TF1 pour exploiter cette dénomination à titre de nom de domaine.
Par ailleurs, l’allégation du défendeur selon laquelle le nom de domaine <tf1-video.com> a été enregistré dans le but de conclure un partenariat avec TF1 ne saurait reconnaître à ce dernier un quelconque droit sur cette dénomination.
Il ne pouvait, en effet, s’arroger un droit sur une dénomination qui non seulement n’était pas libre de droits, et qui en outre était connue du public comme appartenant au Groupe TF1, et ce sur le fondement d’un simple projet éventuel dont TF1 n’a semble-t-il jamais eu connaissance.
En effet, le seul fait d’avoir l’intention de proposer un projet à la société TF1 ne confère aucun intérêt légitime à la détention du nom de domaine <tf1-video.com>.
En conséquence, la Commission considère que le défendeur n’établit en rien l’existence d’un intérêt légitime à la détention du nom de domaine <tf1-video.com>.
c) Le nom de domaine du défendeur a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi.
La Commission constate que le défendeur est domicilié en France et qu’il avait notamment pour intention d’exploiter un service d’e-location de vidéos diffusées via ADSL jusqu’au client, sur Internet.
Il avait notamment l’intention de travailler en collaboration et avec le partenariat de CANAL +, TPS, WANADOO et TF1.
En conséquence, il avait nécessairement dans le cadre de ce projet, analysé les prestations déjà proposées par ces sociétés et, en conséquence, il ne pouvait ignorer l’existence d’une société dénommée "TF1 VIDEO".
Or, il est établi que la réservation d’un nom de domaine reprenant une marque dont le réservataire ne peut ignorer qu’elle appartient à un tiers constitue un enregistrement de mauvaise foi.
Cependant, le défendeur fait valoir qu’il n’est pas concurrent et que le nom de domaine n’a pas été enregistré par le défendeur en vue de perturber les opérations commerciales du requérant.
Toutefois, l’intention de nuire n’est pas le seul motif pouvant être retenu pour qualifier l’enregistrement et l’utilisation du nom de domaine de mauvaise foi.
En effet, d’autres éléments sont de nature à démontrer la mauvaise foi et notamment le fait d’enregistrer un nom de domaine uniquement dans le but de vendre ou de céder d’une autre manière au requérant l’enregistrement litigieux, à titre onéreux, et pour un prix excédant le montant des frais déboursés pour l’enregistrement au sens du paragraphe 4b)i) des Principes directeurs.
A ce titre, le défendeur ne conteste pas avoir tenté de négocier la vente du nom de domaine litigieux.
Cependant, la somme de 15.000 Francs proposée par la société TF1 ne lui a pas semblé suffisante. Le défendeur estimant, en effet, que l’offre faite par TF1 bien qu’étant non négligeable et décente reste cependant très inférieure au prix du marché et surtout à la dernière offre proposée par un tiers à 6.900 e.
Le défendeur ajoute par ailleurs dans un de ces courriers électroniques adressé à la société TF1 VIDEO que : "le seul élément concret que je connaissance est qu’au moins 2.000 à 5.000 internautes cherchent mensuellement à accéder aléatoirement à ce domaine (c’est-à-dire en tapant directement "www.tf1-video.com", sans passer par un moteur de recherche ou un portail Internet). je pense que cet un argument qui doit aussi être en compte par votre cliente".
Ainsi, est-il non contestable que le défendeur a enregistré le nom de domaine dans le but de céder à titre onéreux, et pour un prix excédant largement le montant des frais qu’il a déboursé en rapport direct avec ce nom de domaine.
Enfin, le fait que le nom de domaine litigieux ne fasse pas l’objet d’une exploitation sérieuse par le défendeur n’altère en rien le caractère de mauvaise foi.
Bien au contraire, de nombreuses décisions des Commissions administratives ont affirmé que l’absence d’actes d’utilisation du nom de domaine de la part du défendeur constitue un élément révélateur de sa mauvaise fois (Décision OMPI n° D2000-0003 du 18 février 2000, Telstra Corporation Ltd. c./ Nuclear Marshmallows).
En l’espèce, aucun site n’est exploité sous le nom de domaine litigieux.
En effet, le défendeur depuis la date de l’enregistrement du nom de domaine en cause n’a accompli aucun acte préparatif sérieux en vue de son utilisation, ce qui caractérise également sa mauvaise foi dans l’utilisation de la dénomination "TF1-VIDEO".
En conséquence, la Commission appréciant souverainement les faits au regard des éléments qui lui sont rapportés et des pièces qui ont été versées aux débats, considère que Monsieur Christophe Delesalle a bien procédé au dépôt et obtenu l’enregistrement du nom de domaine <tf1-video.com> de mauvaise foi.
7. Décision
7.1. Les conditions posées à l’article 4 a) des Principes directeurs régissant le règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine étant réunies, la Commission administrative décide en conséquence le transfert du nom de domaine <tf1-video.com> au profit de la société TF1 VIDEO.
Isabelle Leroux
Expert Unique
Daté : Le 21 mars 2002