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Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI

 

DÉCISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE

Édouard Leclerc, l’Association des centres distributeurs E. Leclerc –ACD LEC et Leclerc Voyages contre Paco Elmudo

Litige No. D2003-0239

 

1. Les parties

Les requérants sont Édouard Leclerc, Saint Divy, France, l’Association des centres distributeurs E. Leclerc – ACD LEC, Issy-les Moulineaux, France et Leclerc Voyages, Issy-les-Moulineaux, France représentés par Franck Soutoul, du cabinet e-Lex Conseil, Paris, France.

Le défendeur est Paco Elmudo, Lisbonne, Portugal.

 

2. Nom de domaine et unité d’enregistrement

Le litige concerne le nom de domaine <leclercvoyage.com>

L'unité d'enregistrement auprès de laquelle le nom de domaine est enregistré est GANDI SARL, 38 Notre-Dame de Nazareth, Paris, France.

 

3. Rappel de la procédure

Une plainte a été déposée par les requérants auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le "Centre") en date du 26 mars 2003, par courrier électronique et reçue sur support papier le 28 mars 2003.

Le Centre a accusé réception de la plainte le 27 mars 2003.

En date du 27 mars 2003, le Centre a adressé une requête à l’unité d’enregistrement du nom de domaine litigieux aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. L’unité d’enregistrement a confirmé l’ensemble des données du litige en date du 1er avril 2003.

Le Centre a vérifié que la plainte répond bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés "Principes directeurs"), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les "Règles d’application"), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les "Règles supplémentaires") pour l’application des Principes directeurs précités.

Conformément aux paragraphes 2(a) et 4(a) des Règles d’application, le 4 avril 2003, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au défendeur. Conformément au paragraphe 5(a) des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 24 avril 2003. Le défendeur n’a fait parvenir aucune réponse. En date du 1er mai 2003, le Centre notifiait le défaut du défendeur.

En date du 14 mai 2003, le Centre nommait dans le présent litige comme expert-unique J. Nelson Landry. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.

 

4. Les faits

« LECLERC VOYAGES » est une marque de commerce, enregistrée le 16 juillet 1987, en classes 36, 37, 39, 41 et 42, au nom de monsieur Édouard Leclerc. Un examen de l’Annexe D, qui est une liste de marques enregistrées au nom de monsieur Édouard Leclerc, montre que parmi les différentes marques de commerce, comportant toute la partie distinctive « e.leclerc » à laquelle sont ajoutés des éléments descriptifs, sont enregistrées dans de très nombreux pays dont 27 de ces marques sont enregistrées au Portugal, dans plusieurs cas en association avec les classes 16, 35, 41, 42 et de nombreuses autres classes semblables ou additionnelles dans les autres cas.

La requérante, l’Association des centres distributeurs E. Leclerc – ACD LEC, (ci-après « ACD LEC ») est l’organisme qui décide des grandes représentations stratégiques du mouvement E. Leclerc et qui agrée les adhérents qui exploitent des magasins sous l’enseigne E. Leclerc. Cet organisme est présidé par le requérant Édouard Leclerc.

ACD LEC comprend 460 adhérents, hypermarchés, supermarchés et magasins spécialisés dont 11 au Portugal.

La requérante ACD LEC est titulaire d’un grand nombre de marques de commerce enregistrées de par le monde lesquelles marques comprennent le terme « LECLERC ». Une liste non exhaustive de ces marques est fournie en annexe [D].

La requérante LECLERC VOYAGES est titulaire du nom de domaine <leclercvoyage.com> depuis le 24 novembre 1999, et utilise ce nom de domaine pour localiser son site marchand qui propose des produits et services dans le domaine du voyage.

Les requérants sont également titulaires des noms de domaine suivants, tel qu’il appert des fiches WHOIS prouvant la propriété de ces noms de domaines (voir Annexe [G]) Plus particulièrement le requérant Edouard Leclerc est titulaire des noms de domaine suivants :

<Leclerc-voyages.biz>
<Leclerc-voyage.biz>
<Leclercvoyages.biz>
<Leclerc-voyages.com>
<Leclerc-voyage.com>

alors que la requérante ACD LEC est titulaire des noms de domaine suivants :

<Leclercvoyages.info>
<Leclerc-voyages.info>
<Leclercvoyage.net>
<Leclercvoyage.org>
<Leclercvoyage.biz>
<Leclercvoyage.info>
<Leclerc-voyage.net>
<Leclerc-voyage.org>
<Leclerc-voyage.info>.

Les requérants représentent que E. Leclerc est une enseigne qui a été crée en 1949, et qui est devenue la première enseigne de distribution en France jouissant ainsi d’une certaine notoriété.

La requérante possède très nombreux magasins, non seulement 538 en France, mais aussi 7 au Portugal dont un situé à Montijo près de Lisbonne.

Enfin, LECLERC VOYAGES existe depuis 1989 et, selon les représentations des requérants, est devenu leader des opérateurs voyages de la grande distribution avec 117 agences représentant un chiffre d’affaires estimé à 229 millions d’Euros à la fin de l’année 2002, et accompagne plus de 350 000 personnes par an. Les offres de cette société font l’objet de publicités et de plus donnent lieu à la distribution de fiches, d’une brochure et d’un catalogue. (voir annexe [F] de la plainte)

Le 20 décembre 2002, la requérante ACD LEC a adressé, sur papeterie qui lui est propre, une lettre de mise en demeure au défendeur en recommandé avec accusé de réception concernant le transfert du nom de domaine litigieux au profit du requérant Edouard Leclerc. Cette lettre a été retournée aux requérants avec la mention « adresse inexistante ». (voir annexe [E] de la plainte)

 

5. Argumentation des parties

A. Requérants

Les requérants exposent en droit notamment ce qui suit :

1. Le nom de domaine <leclercvoyage.com> (ci-après « nom de domaine litigieux ») est quasi identique à la marque LECLERC VOYAGES détenu par le requérant Édouard Leclerc et à la dénomination sociale de la requérante LECLERC VOYAGES tant visuellement, phonétiquement que conceptuellement.

Par conséquent, les requérants représentent que le défendeur a enregistré le nom de domaine litigieux, quasi identique à la marque du requérant Édouard Leclerc et à la dénomination sociale de la requérante LECLERC VOYAGES et que ce nom de domaine litigieux reprend l’élément distinctif des très nombreuses marques des requérants enregistrées de par le monde.

2. Le défendeur n’a aucun droit sur le nom de domaine litigieux, ni aucun intérêt légitime qui s’y rattache.

Les requérants représentent que le défendeur a enregistré le nom de domaine litigieux le 25 août 2002. Ils représentent de plus que le défendeur n’est pas connu sous le nom de LECLERC VOYAGE(S) et ne détient aucun droit sur le patronyme « LECLERC » donc sur ces déclinaisons telles que « LECLERC VOYAGES ». Aucun des requérants n’a jamais accordé de licence ou tout autre type d’autorisation au défendeur pour utiliser les marques LECLERC ni la marque LECLERC VOYAGES. Enfin, ils représentent qu’il n’existe aucune relation entre M. Paco Elmudo et les requérants.

Le nom de domaine litigieux n’est pas actuellement et n’a jamais été utilisé par le défendeur dans l’intention de proposer aux internautes une offre de bonne foi de produits et de services. En date du 26 novembre 2002, ce dernier se contentait de faire pointer ce nom de domaine litigieux pour renvoyer vers un site Web actif situé à l’adresse « ww.monde-voyage.com ».Ce site propose de nombreux services exclusivement dans le domaine du tourisme de voyage et tout particulièrement la vente en ligne de billets d’avion tout comme le site Web des requérants selon les représentations de ces derniers.

Cependant, en date du 8 janvier 2003, le nom de domaine litigieux renvoyait vers une page de résultats du moteur de recherche « alltheweb.com ». Enfin, en date du 17 février 2003, et du 6 mars 2003, le nom de domaine litigieux renvoyait vers une page de résultats du moteur de recherche « webcrawler.com ». Dans le cas de ces deux derniers résultats de moteur de recherche, la recherche était basée sur la requête « vols billets plein tarif ». (voir Annexe [H] de la plainte)

En conséquence, les requérants représentent que le défendeur se contente tout simplement de faire pointer le nom de domaine litigieux sur des sites Web dont il n’est pas le titulaire et proposant des services concurrents.

3. Le nom de domaine en question a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi.

Les représentants représentent que la mauvaise foi du défendeur lors de l’enregistrement et de l’utilisation du nom de domaine litigieux résulte de l’absence de droit lors de l’enregistrement, du fait que cet enregistrement est trompeur pour les particuliers et enfin que le défendeur est coutumier du cybersquattage de noms de domaine.

1) Absence de droits lors de l’enregistrement

Les requérants représentent que le défendeur a enregistré le nom de domaine litigieux alors qu’il ne possédait aucun droit sur le terme LECLERC VOYAGES et que les droits préexistants des requérants auraient dû l’en dissuader. De plus, les requérants concluent que le défendeur n’a effectué aucune recherche d’antériorité de la marque, car une simple recherche sur un moteur de recherche telle qu’ils l’ont effectuée et mis en preuve aurait permis de constater la notoriété de la marque LECLERC VOYAGES, tel qu’il appert des recherches qui ont été produites comme Annexe [I] de la plainte.

Les requérants représentent que contrairement à de nombreuses décisions du Centre, le défendeur n’a pas respecté son obligation de vérifier que l’enregistrement ne violait pas les droits d’un tiers (voir Litige OMPI No. DBIZ2002-00276, Richemont International Ltd v. Brasserie Du Mont Blanc).

De plus les requérants représentent que lors de l’enregistrement et l’utilisation du nom de domaine, le défendeur ne s’est pas assuré qu’il agissait « en conformité avec la législation en vigueur et les droits légaux de tiers ». En conséquence, ils représentent qu’il a violé l’article VI.1 qui prévoit que «  Le Client s’engage à fournir à Gandi des informations de contact exactes et fiables, et les corriger et mettre à jour immédiatement ». Les requérants se fondent sur le courrier adressé au défendeur qui est revenu avec la mention « adresse inexistante » pour démontrer le manquement du défendeur à ses obligations.

Enfin, les requérants représentent que les différents pointages successifs effectués par le défendeur démontrent que ce dernier ne pouvait ignorer l’existence des marques LECLERC et surtout de la marque et de la société LECLERC VOYAGES ou tout au moins du site Web « leclercvoyages.com ».

2. Enregistrement trompeur pour les particuliers

Les représentants représentent que l’enregistrement du nom de domaine litigieux est trompeur en ce que si un internaute cherche à se renseigner sur les offres de voyages du Mouvement E. LECLERC, il se retrouvera sur un site Web sans aucun rapport avec E. LECLERC à l’adresse « www.leclercvoyage.com ».

Les requérants représentent donc que l’utilisation du nom de domaine litigieux attire inévitablement sur le site Web des personnes à la recherche d’informations sur les offres LECLERC VOYAGES, ce qui entraîne une confusion avec la marque du requérant Édouard Leclerc, ce qui, selon les requérants, conduit à une assimilation du défendeur dans l’esprit du public à un partenaire détenteur de cette marque.

Selon les requérants, l’enregistrement et l’utilisation du nom de domaine litigieux traduisent l’intention délibérée du défendeur d’attirer les internautes, à leur insu, sur des sites Web de concurrents du site des requérants qu’ils n’auraient pas visités autrement sans avoir commis une erreur de frappe ou d’orthographe sur un nom de domaine des requérants.

3. Défendeur coutumier du cybersquattage de noms de domaine

Se fondant sur deux décisions antérieures rendues par le Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI relativement aux noms de domaine « www.air-France.com", Litige OMPI No. D2002-0996 et « www.voyages-sncf.com", Litige OMPI No. D2002-1079, les requérants représentent, à juste titre, que le défendeur est coutumier de l’enregistrement de noms de domaine reprenant des marques de sociétés françaises pour les faire pointer sur des sites Web concurrents et que, en conséquence, un tel enregistrement du nom de domaine litigieux empêche le titulaire de la marque des produits et services de reprendre leur marque sous forme de nom de domaine.

Les requérants représentent également que de cette façon, le défendeur détenteur du nom de domaine litigieux a sciemment tenté d’attirer, à des fins lucratives, les utilisateurs de l’Internet sur un site Web ou un autre espace en ligne de concurrents des requérants.

B. Défendeur

Le défendeur n’a pas fourni de réponse à la plainte.

 

6. Discussion et conclusions

A. Langue

La Commission considère opportun d’évoquer préalablement la question de la langue de la procédure soulevée par la requérante dans sa plainte (paragraphe 10) laquelle est soumise en langue française.

Le soussigné a pris connaissance des deux décisions mentionnées par les requérants à savoir les Litiges OMPI Nos. D2002-0996 et D2002-1079, tous deux décidés par le même expert unique et le soussigné adopte et fait sienne les observations et conclusions que l’expert a exprimé dans ses deux décisions.

Tout comme dans ces cas antérieurs, l’expert unique dans le présent dossier retiendra le caractère bilingue de l’espace Web de l’unité d’enregistrement, ainsi que l’allégué des requérants, non contesté, selon lequel le défendeur est francophone dans la mesure ou dans un premier temps ce dernier a utilisé le nom de domaine litigieux pour effectuer un renvoi vers un site français <monde-voyage.com > pour activer ensuite une page de résultats basés sur la requête « Vols billet plein tarif », noms communs de la langue française, pour juger que la langue de la procédure est bel et bien le français.

B. Identité ou similitude prêtant à confusion

Le paragraphe 15(a) des Règles prévoit que « la Commission statue sur la plainte au vu des écritures et des pièces qui lui ont été soumises et conformément au Principe directeur aux présentes Règles et à tout Principe ou Règle de droit qu’elle juge applicable ».

Au demeurant, le paragraphe 4 a. des principes directeurs impose au requérant de prouver contre le défendeur cumulativement que :

i) son nom de domaine est identique ou semblable au point de prêter à confusion à une marque de produit ou de service sur laquelle le requérant a des droits ;

ii) il n’a aucun droit sur le nom de domaine ni aucun intérêt légitime qui s’y rattache ; et

iii) son nom de domaine a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi.

En conséquence, il y a lieu de s’attacher à répondre à chacune des trois conditions prévues par le paragraphe 4(a) des Principes directeurs.

Les requérants ont établi détenir respectivement des droits soit à titre de titulaire, soit de personne ayant la jouissance de ces droits dans le nom patronymique LECLERC, des marques LECLERC VOYAGES, la dénomination sociale LECLERC VOYAGES et enfin pour le requérant Édouard Leclerc et la requérante ACD LEC détenir respectivement 5 et 9 noms de domaine reprenant avec des variantes mineures soit l’ajout d’un « s » à voyage ou d’un trait d’union entre Leclerc et voyage cet ensemble conférant une certaine notoriété à l’élément distinctif Leclerc nonobstant son caractère patronymique.

L’expert unique soulève proprio motu, comme dans le Litige OMPI Nos. D2002-0996 et D2002-1079 évoqués plus haut que de nombreuses commissions administratives ont jugé, de manière concordante et desquelles il n’y a pas lieu de s’écarter, que l’ajout du préfixe « www » à une marque n’est pas de nature à éviter le risque de confusion (InfoSpace. Com v. Registrar Administrator Lew Blank, Litige OMPI No. D2000-0069 ; Google, Inc. v. wwwgoogle.com and Jimmy Siavesh Behain, Litige OMPI No. D2000-1240; Microsoft Corporation v. Stoneybrook, Litige OMPI No. D2000-1274; Bayer Aktiengesellschaff v. Yongho Ko, Litige OMPI No. D2001-0205; NIKE, Inc. v Alex Nike, Litige OMPI No. D2001-1115)

De plus, les circonstances que la marque considérée ne soit pas séparée par un tiret dans le nom de domaine litigieux, qu’elle porte un « s »  ou pas, comme nous l’avons observé dans plusieurs des noms de domaine enregistrés par les requérants n’a aucune incidence sur le risque de confusion enregistré par ledit nom de domaine litigieux (voir Litige OMPI No. D2000-0396 concernant le nom de domaine <laurent-perrier.com> ; Litige OMPI No. D2000-1677 concernant le nom de domaine <cocacoladrinks.com> ; et aussi Litige OMPI No. D2002-0485 concernant les noms de domaine<lastminute-air-France.com> et <lastminute-air-France.net>).

En conséquence, l’expert unique considère que le nom de domaine <leclercvoyage.com> est identique à la marque de commerce <leclercvoyages.com> détenue par le requérant Édouard Leclerc et exploitée par la requérante ACD LEC, laquelle déclare dans sa lettre de mise en demeure en avoir la jouissance.

C. Droits ou légitimes intérêts

Le paragraphe 4 c. des principes directeurs prévoit une liste non exhaustive de circonstances qui, si la Commission considère les faits comme établis au vu de tous les éléments de preuve présentés, la preuve des droits du défendeur sur le nom de domaine ou de son intérêt légitime qui s’y attache peut être constituée. Ces circonstances sont les suivantes :

i) avant d’avoir eu connaissance du litige, le défendeur a utilisé le nom de domaine ou un nom correspondant au nom de domaine en relation avec une offre de bonne foi de produits ou de services, ou fait des préparatifs sérieux à cet effet ;

ii) le défendeur (individu, entreprise ou autre organisation) est connu sous le nom de domaine considéré, même sans avoir acquis de droits sur une marque de produits ou de services ; ou

iii) le défendeur fait un usage non commercial légitime ou un usage loyal du nom de domaine sans intention de détourner à des fins lucratives les consommateurs en créant une confusion ni de ternir la marque de produits ou de services en cause.

Le défendeur, en ne répondant pas à la plainte, n’a pas fait valoir une des circonstances qui auraient pu établir, selon le libellé du paragraphe 4 c. des principes directeurs, ses droits sur le nom de domaine litigieux ou un intérêt légitime qui s’y rattache.

Constatant ce défaut ou absence de circonstances justificatrices, la Commission administrative peut tirer les conclusions qu’elle juge appropriées selon le paragraphe 14(b) des Règles (voir Talk City, Inc. V. Michael Robertson, Litige OMPI No. D2000-0009 ; Isabelle Adjani v. Second Orbit Communications, Inc., Litige OMPI No. D2000-0867).

L’examen des éléments du dossier, en l’absence de preuves du contraire par le défendeur et tel que l’ont relevé les requérants, montre que le défendeur n’a aucun droit de propriété intellectuelle ou autre sur les marques LECLERC VOYAGES et le nom de domaine litigieux ni n’a obtenu une quelconque autorisation pour les exploiter à titre de noms de domaine.

Toujours dans le même contexte de la preuve des requérants et absence de preuve du défendeur, le défendeur n’est pas connu sous le nom de domaine en question, ni ne fournit de services ou n’a de relations commerciales avec les requérants.

En conséquence, l’expert unique considère que l’existence d’un droit ou intérêt légitime du défendeur à la détention du nom de domaine <leclerc voyages.com> n’est pas établi.

D. Enregistrement et usage de mauvaise foi

Le paragraphe 4 b. des principes directeurs prévoit une liste non exhaustive de circonstances qui, pour autant que leur réalité soit constatée par la commission administrative, établissent la preuve de ce que le nom de domaine a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi. Une telle preuve est donnée par l’une des circonstances ci-après :

i) les faits montrent que le défendeur a enregistré ou acquis le nom de domaine essentiellement aux fins de vendre, de louer et de céder d’une autre manière l’enregistrement de ce nom de domaine au requérant qui est le propriétaire de la marque de produits ou de services, où un concurrent de celui-ci, à tire onéreux et pour un prix excédant le montant des frais qu’il peut prouver avoir déboursé en rapport direct avec ce nom de domaine ;

ii) le défendeur a enregistré le nom de domaine en vue d’empêcher le propriétaire de la marque de produits ou de services de reprendre sa marque sous forme de nom de domaine, et est coutumier d’une telle pratique ;

iii) le défendeur a enregistré le nom de domaine essentiellement en vue de perturber les opérations commerciales d’un concurrent ; ou

iv) en utilisant ce nom de domaine, le défendeur a sciemment tenté d’attirer, à des fins lucratives, les utilisateurs de l’Internet sur un espace Web ou autre site en ligne lui appartement, en créant une probabilité de confusion avec la marque du requérant en ce qui concerne la source, le commanditaire, l’affiliation ou l’approbation de son espace ou espace Web ou d’un produit ou service qui y est proposé

L’expert unique ne voit aucune circonstance exceptionnelle au sens du paragraphe 14(a) des Règles qui n’aura pas permis au défendeur de respecter le délai de réponse fixé. Deux conclusions peuvent être tirées : le défendeur ne conteste pas les faits allégués par les requérants ni ne s’oppose aux conclusions qu’ils tirent desdits faits.

La Commission administrative a néanmoins le devoir de déterminer lesquels des allégués sont établis en fait et si les conclusions soumises par les requérants peuvent être tirées desdits faits (Harvey Norman Retailing Pty Ltd v. Oxford-University, Litige OMPI No. D2000-0944).

L’expert unique fait sien l’allégué des requérants d’après lequel le défendeur a procédé à l’enregistrement de mauvaise foi du nom de domaine litigieux. Il ne fait aucun doute, vu la durée d’usage des marques « leclerc voyages », des nombreux pays où les marques de commerce sont enregistrées, dont plusieurs au Portugal, et la conclusion des requérants que le défendeur connaissait ou aurait dû connaître les marques de commerce, dénomination sociale et nom de domaine des requérants au moment de l’enregistrement du nom de domaine en litige.

L’expert unique considère qu’il y également lieu de retenir dans le contexte du présent dossier les informations erronées fournies par le défendeur sur son adresse ainsi que son absence de réponse aux lettres de mise en demeure des requérants du 20 décembre 2002, de son absence de réponse à cette lettre et des deux changements de référence à des sites Web offrant des services concurrents à ceux des requérants.

Au plan de l’utilisation de mauvaise foi du nom de domaine litigieux, l’expert unique considère que le comportement du défendeur, tel que décrit et établi par les requérants et non contesté par le défendeur, est constitutif de mauvaise foi au sens du paragraphe 4(b)ii) des principes directeurs.

De façon plus générale, il est opportun de qualifier le comportement du défendeur de mauvaise foi au sens général du paragraphe 4(b) des principes directeurs dans la mesure où ce dernier utilise des méthodes dont il est coutumier (voir litige OMPI No. D2002-0996 et litige OMPI No. D2002-1079).

 

7. Décision

Pour les motifs ci-dessus exposés et retenus, l’expert unique décide que les requérants ont apporté la démonstration que le nom de domaine <leclercvoyage.com> est identique à la marque sous laquelle les requérants ont des droits tant à titre de titulaire que de personne ayant la jouissance de ces droits, tout particulièrement la requérante ACD-LEC, que le défendeur n’a aucun droit sur le nom de domaine litigieux ni aucun intérêt légitime qui s’y rattache et que le nom de domaine litigieux a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi.

Un requérant ayant satisfait à tous les éléments du paragraphe 4 a. des principes directeurs peut anticiper le transfert à son nom du nom de domaine litigieux.

Tel que nous l’avons observé dans le Litige OMPI No. D2000-1741, il y avait plusieurs requérants et la Commission administrative n’a pas considéré approprié que le transfert d’un nom de domaine soit fait à un ensemble de requérants. Il nous apparaît opportun de prendre acte du fait que dans la plainte les trois requérants, représentés par un conseil commun, demandent précisément à l’item VI des mesures de réparation demandées que le nom de domaine litigieux « soit transféré au requérant et plus précisément à l’Association ACD LEC ».

En conséquence, conformément aux paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles d’application, l’expert unique ordonne que l’enregistrement du nom de domaine <leclercvoyage.com> soit transféré à la requérante l’Association des centres de distribution E.Leclerc – ACD LEC.

 


 

J. Nelson Landry
Expert Unique

Date : Le 23 mai 2003

 

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