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Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI
DÉCISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE
AT&T CORP. contre Mohammed Attak
Litige n° D2003-0698
1. Les parties
Le Requérant est AT&T CORP., Bedminster, New Jersey, Etats-Unis dґAmérique, représenté par Sidley Austin Brown & Wood, Etats-Unis dґAmérique.
Le Défendeur est Mohammed Attak, Vallauris-Golfe Juan, France.
2. Nom de domaine et unité d’enregistrement
Le litige concerne le nom de domaine <attcom.biz>.
L'unité d'enregistrement auprès de laquelle le nom de domaine est enregistré est Ascio Technologies Inc. (DK).
3. Rappel de la procédure
Une plainte a été déposée par AT&T CORP. auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le "Centre") en date du 4 septembre 2003.
En date du 5 septembre 2003, le Centre a adressé une requête à l’unité d’enregistrement du nom de domaine litigieux, Ascio Technologies Inc. (DK), aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. L’unité d’enregistrement a confirmé l’ensemble des données du litige en date du 8 septembre 2003.
Le Centre a vérifié que la plainte répondait bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés "Principes directeurs"), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les "Règles d’application"), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les "Règles supplémentaires") pour l’application des Principes directeurs précités.
Le 9 septembre 2003, le Centre a adressé au Requérant une notification d'irrégularité de la plainte, indiquant que la langue de la plainte (l'anglais) ne correspondait pas à la langue du contrat d'enregistrement du nom de domaine (le français), et que le Défendeur n'avait pas accepté la compétence des tribunaux du lieu du siège de l'unité d'enregistrement, de sorte que le Requérant devait se soumettre à celle des tribunaux du lieu de domicile du Défendeur, tel qu'il figurait dans le répertoire d'adresses de l'unité d'enregistrement. Le 16 septembre 2003, le Centre a reçu une plainte régularisée.
Conformément aux paragraphes 2(a) et 4(a) des Règles d’application, le 17 septembre 2003, une notification de la plainte, valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur. Conformément au paragraphe 5(a) des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 7 octobre 2003. Le Défendeur n’a fait parvenir aucune réponse dans ce délai. En date du 8 octobre 2003, le Centre a notifié le défaut du Défendeur.
En date du 17 octobre 2003, le Centre a nommé dans le présent litige comme expert-unique Anne-Virginie La Spada-Gaide. La Commission administrative a constaté qu’elle avait été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application. La date prévue pour la décision était le 31 octobre 2003.
Le 27 octobre 2003, le Centre a reçu du Défendeur un message électronique dans lequel le Défendeur exposait n'avoir pu prendre connaissance que tardivement de la notification de la Plainte en raison d'un déplacement professionnel à l'étranger, et sollicitait un délai d'une vingtaine de jours pour déposer une réponse. Le 28 octobre 2003, la Commission administrative a rendu l'Ordonnance n° 1, dont la teneur était la suivante:
"En date du 27 octobre 2003, le Défendeur a adressé un message au Centre demandant qu'un délai d'une vingtaine de jours lui soit accordé pour présenter une réponse, bien que le délai de réponse fixé dans la notification de commencement de la procédure soit écoulé et que la Commission administrative ait déjà été constituée. Le Défendeur a invoqué le fait qu'il était en déplacement professionnel à l'étranger.
Dans la mesure où le Défendeur ne s'est pas encore exprimé du tout dans cette affaire, et où il s'agit d'un particulier (par opposition à une entreprise), la Commission considère équitable de lui accorder la possibilité de déposer une réponse même si le délai original a expiré. Cela dit, le délai de trois semaines est excessif, dans la mesure où il prolongerait de manière importante la durée de la procédure et où le Défendeur se dit maintenant assisté d'un avocat.
La Commission impartit donc un délai d'une semaine, échéant le mardi 4 novembre 2003, au Défendeur pour communiquer sa réponse au Centre".
Le Centre a reçu la Réponse du Défendeur le 4 novembre 2003. Le 7 novembre 2003, la Commission administrative a rendu une Ordonnance n° 2, dont la teneur était la suivante:
"Dans sa réponse communiquée au Centre le 4 novembre 2003, le Défendeur se prévaut de son droit à la marque française ATTCOM n° 013116631, contre laquelle le Requérant a formé trois oppositions, partiellement admises par l'INPI.
En raison du nombre des produits et services mentionnés dans les décisions de l'INPI, il est malaisé pour la Commission Administrative de déterminer quels produits et services ont subsisté après l'admission partielle des oppositions. Par ailleurs, les trois décisions de l'INPI mentionnent une décision de rejet partiel envoyée le 23 avril 2002 au Défendeur, décision qui n'était pas définitive à la date des décisions sur oppositions. Il existe donc une incertitude sur les produits et services actuellement couverts par l'enregistrement du Défendeur.
Comme l'y autorise le paragraphe 12 des Règles, la Commission Administrative demande au Défendeur de produire un document, tel qu'un extrait du Registre de l'INPI, indiquant quels sont les produits et services actuellement couverts par son enregistrement n° 013116631.
Ce document devra être communiqué au Centre d'ici au 12 novembre 2003."
Le Défendeur a transmis au Centre un extrait de la base de données INPI-MARLIS relatif à sa marque en date du 12 novembre 2003.
Le 19 novembre 2003, le Centre a reçu du Requérant une Demande de permission pour la soumission d'informations complémentaires, datée du 12 novembre 2003, contenant déjà lesdites informations complémentaires. La Commission administrative a décidé de prendre en considération cette soumission, en vertu du pouvoir d'appréciation que lui confère le paragraphe 12 des Règles.
La langue de la procédure est le français.
4. Les faits
Le Requérant est une société américaine active dans le domaine des télécommunications au niveau national et international.
Le Requérant détient de nombreux enregistrements aux Etats-Unis pour la marque AT&T (avec ou sans logo), dans les classes de produits et services 9, 38 et 42 en particulier. Le Requérant détient également un enregistrement aux Etats-Unis pour la marque ATT.COM, enregistrée dans les classes 35, 36, 38, 39, 41 et 42 (n° 2,539,552) déposée en date du 7 juin 2000.
En France, le Requérant détient notamment les enregistrements suivants :
AT&T (n° 94 537 091) déposée le 22 septembre 1994
AT&T FRANCE (n° 1 443 806) renouvelée le 5 novembre 1997
ATT.NET (n° 95 589 463) déposée le 25 septembre 1995.
En date du 13 août 2001, le Défendeur a déposé en France auprès de l'Institut National de la Propriété Industrielle (INPI) une demande d’enregistrement portant sur la marque verbale ATTCOM (n° 013116631). Le 21 novembre 2001, le Requérant a formé trois oppositions contre cette demande d’enregistrement en se fondant sur ses trois enregistrements français précités. La demande d’enregistrement du Défendeur revendiquait la protection pour divers produits et services des classes 9, 10, 35, 36, 37, 38, 41 et 42. L'INPI a partiellement admis les oppositions du Requérant et a donc rejeté la demande d’enregistrement du Défendeur pour un certain nombre des produits et services revendiqués. En revanche, l’INPI a laissé subsister cette demande d’enregistrement concernant d’autres produits et services qui n’ont pas été jugés identiques ou similaires aux produits et services couverts par les marques du Requérant.
Le 12 juin 2002, le Défendeur a recouru contre les trois décisions de l’INPI auprès de la Cour d’appel d’Aix en Provence. Il contestait le risque de confusion entre le signe ATTCOM et les marques du Requérant, et contestait également la similarité entre certains des produits et services concernés.
En date du 19 septembre 2002, alors que les procédures de recours étaient pendantes devant la Cour d'appel, le Défendeur a enregistré le nom de domaine <attcom.biz>.
La Cour d'appel a rejeté les trois recours du Défendeur en date du 30 janvier 2003.
A l'issue de ces procédures, l'enregistrement de la marque du Défendeur a subsisté pour les produits et services suivants des classes 10, 35, 36, 37 et 42, selon l'extrait de la base de données INPI-MARLIS soumis par le Défendeur:
"Appareils et instruments chirurgicaux, médicaux, dentaires et vétérinaires, membres, yeux et dents artificiels ; articles orthopédiques ; matériel de suture. Bureaux de placement. Assurances ; caisses de prévoyance. Emission de chèques de voyage et de lettres de crédit. Expertise immobilière. Gérance d'immeuble. Constructions; réparations; services d'installation. Travaux publics. Travaux ruraux. Forage de puits. Locations d'outils et de matériel de construction de bouteurs, d'extracteurs d'arbres. Entretien ou nettoyage de bâtiments, de locaux, du sol (ravalement de façades, désinfection, dératisation). Entretien ou nettoyage d'objets divers (blanchisserie). Réparation de vêtements. Rechapage ou vulcanisation de pneus. Cordonnerie. Restauration (alimentation); hébergement temporaire; services d'agriculture; services juridiques; maisons de repos et de convalescence. Pouponnières. Agences matrimoniales. Pompes funèbres. Prospection. Essais de matériaux. Laboratoires. Location de matériel pour exploitation agricole, de vêtements, de literie. Gestion de lieux d'exposition".
Par un message du 4 juin 2003, adressé au Défendeur, le Requérant l’a sommé de lui transférer le nom de domaine sans délai. Le Défendeur n’a pas répondu à cette requête.
Le nom de domaine n’est pas connecté à une page web active.
5. Argumentation des parties
A. Requérant
Le Requérant allègue ce qui suit :
Le Requérant a investi des centaines de millions de dollars pour la promotion de sa marque, de sorte que la marque AT&T est connue dans le monde entier. L’étude du magazine Business Week a classé la marque AT&T en 2001 comme l’une des dix marques internationales de plus grande valeur.
Le nom de domaine litigieux est similaire de manière à prêter
à confusion avec les marques du Requérant.
Le Défendeur n’a aucun droit ou intérêt légitime
sur le nom de domaine. Le Défendeur n’est en aucune manière le
détenteur d’une licence accordée par le Requérant et le
Requérant n’a pas autorisé ou sponsorisé l’utilisation
de ses marques par le Défendeur. Le Défendeur n’est pas couramment
connu sous le nom de domaine et ne l’utilise pas de manière justifiée
ou légitimement de manière non commerciale.
Les droits d’utilisation étroits attachés à la marque
française ATTCOM du Défendeur (qui a été rejetée
en ce qui concerne les produits et services de télécommunications
et les produits et services informatiques) ne confèrent pas au Défendeur
un droit légitime à l’utilisation de la marque comme nom de domaine.
Une telle utilisation aurait été interdite car elle tomberait
dans le domaine des télécommunications. Le Requérant a
un droit exclusif à utiliser ses marques et leur dérivés
sur Internet.
Le Défendeur a enregistré et utilisé le nom de domaine
de mauvaise foi, dans une tentative opportuniste de profiter des marques célèbres
d’AT&T. Il savait que le nom de domaine était similaire à
la marque et au nom de domaine du Requérant et prêtait à
confusion avec eux. Le fait que le Défendeur ait enregistré le
nom de domaine après les oppositions déposées par le Requérant
contre la marque ATTCOM souligne la mauvaise foi du Défendeur. Le Défendeur
a réalisé la valeur du nom de domaine pour le Requérant
et a voulu exploiter le goodwill et la réputation associés aux
marques célèbres d’AT&T. Par ailleurs, le défaut d’usage
du nom de domaine suggère fortement que le Défendeur n’a jamais
eu une intention de bonne foi de créer sa propre affaire, mais a simplement
cherché à exploiter les efforts du Requérant.
Le Requérant requiert par conséquent le transfert du nom de domaine.
B. Défendeur
Le Défendeur allègue ce qui suit:
Le Défendeur exerce ses activités professionnelles principales
dans le génie biomédical, l'informatique et l'imagerie médicale,
ainsi que des activités annexes aussi variées que le commerce
électronique, la photographie numérique et l'édition ou
l'immobilier.
Le nom de domaine <attcom.biz> est formé de la contraction du
nom du Défendeur, Attak, et du terme "commerce", qui regroupe la plupart
des activités du Défendeur.
Si l'on fait abstraction de l'extension ".biz", le nom de domaine correspond
exactement à l'orthographe de la marque ATTCOM. C'est artificiellement
que le Requérant essaie de dissocier cette marque en la scindant en deux
parties afin de faire ressortir sa marque ATT. Le Requérant ne peut prétendre
interdire tout nom de domaine commençant par "att".
Il résulte des décisions rendues par l'INPI et la Cour d'appel
d'Aix en Provence que le Défendeur est le propriétaire de la marque
ATTCOM dans diverses classes, et doit pouvoir prétendre légitimement,
selon les principes établis par l'ICANN, à l'enregistrement du
nom de domaine correspondant à sa marque.
Il est faux de dire que le Défendeur ne peut déposer le nom de
domaine en question parce qu'il n'a aucune activité liée à
Internet. Le dépôt d'un nom de domaine n'exige pas d'avoir une
activité liée à Internet. Le nom de domaine a pour vocation
de servir de "vitrine virtuelle" pour toute activité, que celle-ci soit
liée ou non à l'Internet.
Le Défendeur n'est pas contraint d'associer d'ores et déjà
le nom de domaine à un site actif dans les délais "souhaités"
par le Requérant. La non exploitation immédiate du nom de domaine
ne peut donc pas être opposée au Défendeur, d'autant plus
que le dépôt est récent (septembre 2002).
Il est faux de prétendre que le Défendeur a enregistré
le nom de domaine pour le monopoliser et empêcher le Requérant
de l'utiliser au cas où son appel de la décision de l'INPI n'aboutirait
pas en sa faveur. En effet, au moment du dépôt du nom de domaine,
l'INPI avait déjà donné une réponse favorable pour
l'ensemble des autres classes déposée par le Défendeur.
Cette réponse légitimait déjà le dépôt
du nom de domaine.
Le Défendeur conteste enfin la démonstration de mauvaise foi
faite par le Requérant. Il conteste en particulier avoir acquis le nom
de domaine aux fins de le céder au Requérant ou d'empêcher
le Requérant de déposer un nom de domaine correspondant aux marques
qu'il détient, et rappelle que ses activités sont totalement distinctes
de celles du Requérant et ce conformément à son droit d'utilisation
de la marque ATTCOM.
Le Défendeur conclut par conséquent au rejet de la Plainte. Sur
le plan de la procédure, le Dédendeur relève également
que toutes les pièces annexées à la Plainte ne sont pas
en langue française, et demande à la Commission de rejeter du
débat toutes les pièces du Requérant, à l'exception
des pièces 15 à 17.
6. Discussion et conclusions
Conformément au paragraphe 4(a) des Principes directeurs, le Requérant
doit établir que :
i) le nom de domaine est identique ou semblable au point de prêter à
confusion à une marque de produits ou de services sur laquelle le Requérant
a des droits;
ii) le Défendeur n'a aucun droit sur le nom de domaine ni aucun intérêt
légitime qui s'y attache, et
iii) le nom de domaine a été enregistré et est utilisé
de mauvaise foi.
A. Identité ou similitude prêtant à confusion
Abstraction faite du suffixe « .biz », qui ne joue pas de rôle
lors de l’examen de la similarité entre le nom de domaine et la ou les
marques du Requérant, il faut constater que le nom de domaine litigieux
est quasi-identique à la marque ATT.COM enregistrée aux USA au
nom du Requérant. L’absence, dans le nom de domaine, du point figurant
dans la marque est sans conséquence à cet égard, car ce
signe typographique n’a que peu d'influence sur l’impression d’ensemble produite
par la marque.
On peut également admettre que le nom de domaine est similaire aux marques
AT&T du Requérant au point de prêter à confusion. En
effet, le groupe de lettres "att", qui forme la syllabe de tête du nom
de domaine, n’a pas de sens particulier, alors que l'élément "com"
est au contraire courant et évoque les mots "commerce", "commercial"
ou "communication" (voir Litige OMPI n° D2003-0697,
AT&T Corp. v. A.T. of Treyding). Les lettres "att" peuvent donc être
considérées comme l'élément prépondérant
du nom de domaine.
Le Requérant a par conséquent satisfait la première condition
posée par le paragraphe 4(a) des Principes directeurs.
B. Droits ou intérêts légitimes
Selon les Principes directeurs, il appartient au Requérant de démontrer
que le Défendeur n’a pas de droit sur le nom de domaine ni aucun intérêt
légitime qui s’y attache.
Un droit ou intérêt légitime sur un nom de domaine peut
découler notamment de l’existence d’une marque identique appartenant
au défendeur. Cette circonstance est mentionnée indirectement
au paragraphe 4(c)(ii) des Principes directeurs, selon lequel le défendeur
peut démontrer son intérêt légitime s’il est "connu
sous le nom de domaine considéré, même sans avoir acquis
de droits sur une marque de produits ou de services". Cette précision
démontre qu’a fortiori, l’existence d’une marque de produits
ou de services est de nature à conférer au défendeur un
droit ou en tout cas un intérêt légitime sur le nom de domaine.
La Commission administrative n'est pas convaincue par l'argument du Requérant
selon lequel des droits à la marque limités matériellement
et territorialement ne sauraient conférer à leur titulaire le
droit d'enregistrer un nom de domaine, si le requérant peut faire valoir
des droits sur une marque célèbre. D'abord, les Principes directeurs
n'exigent pas que le défendeur possède une marque enregistrée
en relation avec des produits ou services de télécommunications
ou d'informatique. Ensuite, les Principes directeurs n’exigent pas non plus
que le défendeur invoque un intérêt légitime ou un
droit qui soit supérieur ou prépondérant par rapport à
celui du requérant. Si tel était le cas, les Commissions administratives
devraient procéder à de délicates pesées d’intérêts,
alors que la nature de la procédure, rapide, sommaire et sans audition
des parties, ne permet pas de prendre en compte les circonstances qui devraient
l’être. De telles évaluations relèvent des tribunaux.
La Commission administrative se distancie par conséquent des décisions
exigeant du défendeur qu’il démontre que son nom ou sa marque
a acquis un goodwill propre à écarter le risque de confusion avec
la marque ou le nom de domaine du requérant (voir ainsi Litige
OMPI n° D2002-0141, Peter Frampton vs. Frampton Enterprises, Inc:
"a party alleging […] that it is commonly known by a particular name, sufficient
to show legitimate rights and interest in a domain name that contains that particular
personal name […], must provide adequate extrinsic proof that a corresponding
group of consumers, e.g., internet users, who are likely to access that party’s
website, associates that domain name with that party rather than with the trademark
owner […]"). Cette exigence est tout à fait étrangère aux
Principes directeurs, et paraît contraire au but de ceux-ci, qui est de
lutter contre les enregistrements abusifs et non de départager des intérêts
concurrents, même si l’intérêt d’une partie peut sembler
plus faible, sur le plan économique, que celui de l’autre (voir dans
ce sens Litige OMPI n° D2001-1259,
Permacel, A Nitto Denko Company v. Axis Interactive and PRS Permacel Private
Limited: "The Panel accepts Respondent's submission that the Policy does
not require that Respondent's rights be commensurate with those of Complainant
or that they extend throughout the world").
Dès lors, il faut considérer que l’existence d’un droit à
la marque du défendeur fait obstacle à l’admission de la plainte,
sauf si le défendeur a manifestement procédé au dépôt
de cette marque dans le but principal de se procurer un argument de défense
dans une future procédure administrative relative au nom de domaine.
Or admettre que le défendeur poursuivait un tel but paraît difficile
lorsque, comme en l’espèce, la marque a fait l’objet d’une attaque par
le requérant et que celle-ci a complètement ou partiellement échoué
avant l'enregistrement du nom de domaine.
Au vu de ce qui précède, la Commission administrative approuve
le raisonnement adopté dans le cas Litige
OMPI n° D2001-0551, Cyrillus S.A. v. KRP Tekstil concernant
les noms de domaine <cyrillus.org> et <cyrillus.net>. Dans cette
affaire, le défendeur, une société turque, avait déposé
la marque CYRILLUS en Turquie. Le requérant, la société
française Cyrillus S.A. connue dans le domaine des vêtements, avait
formé opposition contre cette marque. Cette opposition avait été
rejetée. La Commission administrative a tenu le raisonnement suivant :
"This situation creates a legal dilemma for the Administrative Panel : while
some elements seem to indicate that the trademark may have been registered in
bad faith by the Respondent […], the Panel cannot simply disregard the fact
that the opposition procedure was dismissed and that the trademark owned by
the Respondent still constitutes a title under Turkish law. The panel finds
itself in the impossibility to solve this issue without leaving the strict legal
boundaries of the Policy and the Rules. While a court judging this matter on
the merits could assess the validity of the trademark of the Respondent and
potentially conclude to its invalidity, this is not an assessment which the
Administrative Panel is, under the Policy and the Rules, intended to carry out
or equipped for".
En l’espèce, le Défendeur a enregistré le nom de domaine
en septembre 2002, soit bien après le dépôt de sa marque
ATTCOM en France (qui remonte à août 2001). A ce moment, sa
marque avait déjà fait l’objet d’oppositions de la part du Requérant,
et l’INPI avait déjà rendu des décisions admettant partiellement
– et donc rejetant partiellement aussi – ces oppositions. Le Défendeur
était donc fondé à considérer qu’il détenait
une marque valable, n’enfreignant pas les droits du Requérant, en ce
qui concerne les produits et services pour lesquels le risque de confusion n’avait
pas été admis par l’INPI, et ce d’autant plus que le Requérant
n’avait semble-t-il pas recouru contre les décisions de l’INPI. Dans
ces circonstances, il apparaît que le Défendeur avait un intérêt
légitime à l'enregistrement du nom de domaine.
La Commission administrative constate encore que les litiges dans lesquels
la plainte a été admise malgré l'existence d'une marque
du défendeur concernaient souvent des cas où le défendeur
avait déposé la marque après avoir été informé
du litige par le requérant (voir Litige
OMPI n° D2001–0803, Société Vortex c. Association
bnabil@cybercable.fr; Litige OMPI n°
D2001–0882, Supreme Chocolatier, L.L. C. v. Debra Bauer; Litige
OMPI n° D2001–0024, Dyson Limited v. María del Mar Solís
García). Dans le cas Litige OMPI
n° D2000-1333, Société des Bains de Mer et du Cercle
des Etrangers à Monaco limited v. Piranha Interactive Ltd, invoqué
par le Requérant, la Commission administrative a jugé important
le fait que le défendeur ait déposé sa marque bien après
l'enregistrement du nom de domaine, de sorte qu'au moment de cet enregistrement,
le défendeur ne pouvait invoquer aucun droit à la marque. Par
ailleurs, ses droits à la marque n'avaient pas été contestés
puis confirmés entièrement ou partiellement comme dans le cas
présent. Une telle confirmation des droits à la marque du défendeur
n'existait pas non plus, semble-t-il, dans le cas Litige
n° D2000-0241, Yahoo! Inc. v. David Ashby également
cité par le Requérant.
Le Requérant invoque enfin le cas Litige OMPI
n° D2003-0697, AT&T Corp. v. A.T. of Treyding. S'il est
vrai que cette affaire est semblable à la présente affaire en
ce qui concerne le nom de domaine litigieux (il s'agissait du nom de domaine
<attcom.com>), elle s'en distingue en revanche dans la mesure où
le défendeur ne pouvait se prévaloir d'un droit à la marque.
La Commission administrative qui a décidé ce cas remarque d'ailleurs
que le défendeur (qui faisait défaut) pourrait avoir un intérêt
légitime au nom de domaine s'il avait exercé ses activités
sous le nom d'AT Treyding dans le domaine des télécommunications
depuis une période antérieure à l'enregistrement du nom
de domaine <att.com> du Requérant. La présente Commission
relève à ce propos que le paragraphe 4(c)(ii) des Principes directeurs
n'exige pas du défendeur qu'il soit connu sous le nom de domaine dans
la même branche commerciale que le requérant ou qu'il le soit devenu
avant que le requérant n'enregistre son nom de domaine (ou même
sa marque).
La Commission administrative considère au vu de ce qui précède
que le Requérant n’a pas démontré l'absence de droit ou
d'intérêt légitime du Défendeur et n'a donc pas satisfait
la seconde condition posée par le paragraphe 4(a) des Principes directeurs.
C. Enregistrement et usage de mauvaise foi
Dans la mesure où le Requérant n’a pas démontré
l’absence de droit ou d’intérêt légitime du Défendeur,
il n'est pas nécessaire d’examiner si le nom de domaine a été
enregistré ou utilisé de mauvaise foi. En effet, les trois conditions
posées par le paragraphe 4(a) des Principes directeurs sont cumulatives.
L'une n'étant pas remplie, la Plainte doit être rejetée
sur cette base déjà.
Cela dit, la Commission administrative estime utile de préciser que
l’absence d'usage du nom de domaine ne constitue pas en soi un comportement
de mauvaise foi au sens des Principes directeurs. On ne saurait donc déduire
du seul défaut d’usage l’existence d’une inaction de mauvaise foi, car
on supprimerait alors une condition qui, en l'état, est énoncée
clairement par les Principes directeurs.
D. Langue des annexes à la Plainte
Dans la mesure où la Plainte doit être rejetée, il n'est
pas nécessaire que la Commission administrative se prononce sur l'opportunité
de demander des traductions des pièces en langue anglaise annexées
à la Plainte, comme le paragraphe 11 des Règles d'application
le lui permettrait.
7. Décision
Pour toutes les raisons exposées ci-dessus, la Plainte est rejetée.
Anne-Virginie La Spada-Gaide
Expert Unique
Le 28 novembre 2003