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1. Les parties

La requйrante est la Sociйtй Berluti, Paris, France, reprйsentйe par Selarl Marchais De Candй, France.

Le dйfendeur est Monsieur Frederic Stefanovic, Bruxelles, Belgique.

2. Nom de domaine et unitй d’enregistrement

Le litige concerne le nom de domaine <berlutti.com>.

L'unitй d'enregistrement auprиs de laquelle le nom de domaine est enregistrй est Registration Technologies, Inc.

3. Rappel de la procйdure

Une plainte a йtй dйposйe par la Sociйtй Berluti auprиs du Centre d’arbitrage et de mйdiation de l’Organisation Mondiale de la Propriйtй Intellectuelle (ci-aprиs dйsignй le “Centre”) le 15 avril 2004.

En date du 16 avril 2004, le Centre a adressй une requкte а l’unitй d’enregistrement du nom de domaine litigieux, Registration Technologies, Inc., aux fins de vйrification des йlйments du litige, tels que communiquйs par la requйrante. L’unitй d’enregistrement a confirmй l’ensemble des donnйes du litige en date du 3 juin 2004.

Le Centre a vйrifiй que la plainte rйpond aux Principes directeurs rйgissant le Rиglement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-aprиs dйnommйs “Principes directeurs”), aux Rиgles d’application des Principes directeurs (ci-aprиs dйnommйes les “Rиgles d’application”), et aux Rиgles supplйmentaires de l’OMPI pour l’application des Principes directeurs prйcitйs (ci-aprиs dйnommйes les “Rиgles supplйmentaires”).

Le Centre a relevй que la plainte йtait rйdigйe en langue franзaise, alors mкme que la procйdure d'enregistrement doit en principe se dйrouler dans la langue du contrat d'enregistrement, en l'occurrence l'anglais. Le Centre a, en consйquence, attirй l'attention de la requйrante par courrier йlectronique du 13 mai 2004, sur le fait que la Commission administrative garde la possibilitй d'exiger que la procйdure se dйroule en anglais et que tous les documents qui ne sont pas produits dans cette langue soient traduits.

Conformйment aux paragraphes 2(a) et 4(a) des Rиgles d’application, le 13 mai 2004, une notification de la plainte valant ouverture de la prйsente procйdure administrative, a йtй adressйe au dйfendeur.

Conformйment au paragraphe 5(a) des Rиgles d’application, le dernier dйlai pour faire parvenir une rйponse йtait le 2 juin 2004. Le dйfendeur n’a fait parvenir aucune rйponse. En date du 3 juin 2004, le Centre notifiait le dйfaut du dйfendeur.

Le 14 juin 2004, le Centre nommait dans le prйsent litige comme expert unique, Theda Kцnig Horowicz. La Commission administrative constate qu’elle a йtй constituйe conformйment aux Principes directeurs et aux Rиgles d’application. La Commission administrative a adressй au Centre une dйclaration d’acceptation et une dйclaration d’impartialitй et d’indйpendance, conformйment au paragraphe 7 des Rиgles d’application.

4. Les faits

La Sociйtй Berluti, fondйe en 1895 et aujourd'hui membre du Groupe LVMH, a pour objet la fabrication et la commercialisation de souliers de grand luxe rйputйs auprиs des amateurs de souliers haut de gamme.

Les souliers de la marque BERLUTI sont commercialisйs dans un nombre trиs restreint de magasins а l'enseigne BERLUTI, а Paris, Londres, Milan, Tokyo, Osaka et Moscou.

La requйrante est titulaire de divers enregistrements pour la marque BERLUTI depuis 1993, en particulier :

- Marque franзaise No 93 460 261, du 19 mars 1993, renouvelйe en 1998.

- Marque internationale No 607983, du 4 octobre 1993.

- Marque communautaire No 479 683, du 3 mars 1997.

La Sociйtй Berluti a йgalement procйdй а l'enregistrement de divers noms de domaine comprenant sa marque, dont <berluti.com>.

Monsieur Frederic Stefanovic a acquis le nom de domaine <berlutti.com> le 23 juin 2002.

Par lettre de mise en demeure du 22 janvier 2003, le Groupe LVMH a demandй au dйfendeur de lui transfйrer ce nom de domaine. Le Conseil du dйfendeur a rйpondu qu'il procйdait а l'examen du bien-fondй de cette demande. Malgrй plusieurs lettres de relance, le Groupe LVMH n'a cependant jamais reзu de rйponse sur le fond de sa requкte.

5. Argumentation des parties

A. Requйrante

A la forme, la requйrante explique que les parties ont йchangй pendant plusieurs mois des lettres et courriers йlectroniques en langue franзaise dйmontrant que le dйfendeur pratique sans difficultйs cette langue et qu'il est donc possible de retenir le franзais comme langue de la procйdure.

Au fond, la Sociйtй Berluti avance que <berlutti.com> est quasiment identique а sa marque BERLUTI et que le doublement de la lettre [t] dans le nom de domaine litigieux n'est pas de nature а йcarter le risque de confusion. Elle invoque а cet йgard que cette faute d'orthographe est frйquemment commise, notamment dans des articles de presse.

Par ailleurs, la requйrante expose que Monsieur Frederic Stefanovic ne lui a pas signalй avoir des droits sur le nom BERLUTTI et que le nom de domaine litigieux n'est pas exploitй.

La Sociйtй Berluti invoque en outre le fait que le nom de domaine litigieux est utilisй de mauvaise foi, le dйfendeur n'ayant pas rйpondu а ses lettres de mise en demeure. La requйrante soutient йgalement que le nom de domaine <berlutti.com> a йtй enregistrй de mauvaise foi, Monsieur Stefanovic ne pouvant pas ignorer l'existence de la marque BERLUTI de la requйrante, compte tenu notamment de sa notoriйtй en France et en Europe.

B. Dйfendeur

Le dйfendeur n'a pas fourni de rйponse а la plainte.

6. Discussion et conclusions

A. A la forme - Langue de la procйdure

Le contrat d'enregistrement pour le nom de domaine <berlutti.com> est rйdigй en langue anglaise.

Ce nonobstant, la requйrante estime que la procйdure peut se dйrouler en franзais, cette langue ayant йtй utilisйe а ce jour par les parties dans leur йchange de correspondance.

Le paragraphe 11 a) des Rиgles d'application йnonce que “Sauf convention contraire entre les parties ou stipulation contraire du contrat d'enregistrement, la langue de la procйdure est la langue du contrat d'enregistrement; toutefois, la commission peut dйcider qu'il en sera autrement, compte tenu des circonstances de la procйdure administrative”.

Le paragraphe 10 b des Rиgles d'application dispose en outre que “… la commission veille а ce que les parties soient traitйes de faзon йgale et а ce que chacune ait une possibilitй йquitable de faire valoir ses arguments”.

Il a йtй retenu dans plusieurs dйcisions OMPI qu'une langue diffйrente de la langue du contrat d'enregistrement peut кtre retenue par la Commission administrative si cette langue est maоtrisйe par le dйfendeur. Voir Groupe Industriel Marcel Dassault, Dassault Aviation v. Mr Minwoo Park - Litige OMPI No. D2003-0989; Sociйtй Nationale des Chemins de Fer Franзais (SNCF) v. Paco Elmundo - Litige OMPI No. D2002-1079.

La Commission administrative relиve que le dйfendeur est domiciliй а Bruxelles (Belgique), donc dans une ville francophone.

De surcroоt, la requйrante a rapportй la preuve que les parties ont communiquй en langue franзaise.

La Commission administrative conlut que la procйdure peut en consйquence se dйrouler en franзais.

B. Au fond

Selon le paragraphe 4 a) des Principes directeurs, le requйrant doit apporter la preuve que les trois йlйments suivants sont rйunis :

i) le nom de domaine est identique ou semblable au point de prкter а confusion а une marque de produits ou de services sur laquelle le requйrant a des droits;

ii) le dйfendeur n'a aucun droit sur le nom de domaine ni aucun intйrкt lйgitime qui s'y attache; et

iii) le nom de domaine a йtй enregistrй et utilisй de mauvaise foi par le dйfendeur.

i) Identitй ou similitude prкtant а confusion

La requйrante dйtient des droits sur la marque BERLUTI dans divers pays, notamment en France oщ elle a son siиge et en Belgique au domicile du dйfendeur.

Le nom de domaine <berlutti.com> se distingue de cette marque uniquement par le doublement de la lettre [t]. Il est donc fortement similaire а BERLUTI d'un point de vue visuel.

La requйrante a en outre dйmontrй que sa marque est frйquemment orthographiйe par erreur dans la presse йcrite ou dans des moteurs de recherches Internet avec cette double lettre [t].

Il est dиs lors vraisemblable qu'un internaute cherchant des renseignements sur les produits de la requйrante le fasse par erreur sous l'adresse <berlutti.com>, au lieu de <berluti.com>.

Par ailleurs, le nom BERLUTTI est phonйtiquement identique а BERLUTI. A cet йgard, la Commission administrative relиve que l'identitй phonйtique est un critиre dont il sied de tenir compte pour dйterminer si un nom de domaine est susceptible de prкter а confusion avec une marque. Voir Microsoft Corporation v. Mike Rushton - Litige OMPI No. D2004-0123; Doctor.Ing.h.c. F. Porsche AG v. Stonybrook Investments Limited - Litige OMPI No. D2001-1095; Nandos International Limited v. M. Fareed Farukhi - Litige OMPI No. D2000-0225.

Au vu de ce qui prйcиde, la Commission administrative estime que le nom de domaine litigieux prкte а confusion avec la marque de la requйrante et que la condition prйvue par le paragraphe 4 a) i) des Principes directeurs est remplie.

ii) Droits ou lйgitimes intйrкts

La requйrante a dйcrit les raisons pour lesquelles le dйfendeur n'aurait ni des droits ni de lйgitimes intйrкts sur le nom de domaine <berlutti.com>.

Au vu des piиces versйes au dossier par la requйrante et en l'absence de prise de position du dйfendeur dans le cadre de cette procйdure, la Commission administrative estime que la condition prйvue par le paragraphe 4 a) ii) des Principes directeurs est rйalisйe.

iii) Enregistrement et usage de mauvaise foi

Il ressort du site de la requйrante (<berluti.com>) et des nombreux articles de presse produits par elle que les souliers BERLUTI sont des articles haut de gamme et de grand prestige s'adressant а des personnes intйressйes par les souliers de luxe.

La requйrante a йgalement dйmontrй qu'en faisant des recherches sur Internet avec les mots-clйs BERLUTI et BERLUTTI, l'internaute est trиs souvent dirigй vers des sites ayant trait а la Sociйtй et aux souliers Berluti.

Par ailleurs, la requйrante est titulaire depuis plusieurs annйes d'enregistrements pour sa marque BERLUTI dans divers pays dont la France et le Bйnйlux, la Belgique йtant le pays de rйsidence du dйfendeur.

La requйrante a ainsi rapportй la preuve que sa marque BERLUTI est non seulement enregistrйe, mais aussi utilisйe par elle et connue auprиs des amateurs de souliers de luxe, en particulier en Europe.

Comme l'affirme la requйrante, il est donc vraisemblable que le dйfendeur connaissait la marque BERLUTI et qu'il ait enregistrй le nom de domaine <berlutti.com> pour s'en rapprocher.

Le dйfendeur n'a jamais daignй fournir d'explications sur l'enregistrement du nom de domaine litigieux. Il n'a pas non plus saisi l'occasion de la prйsente procйdure pour exposer ses motifs, voire contester les allйgations de la requйrante.

Dans ce contexte, la Commission administrative note qu'il a йtй admis dans plusieurs dйcisions OMPI que le nom de domaine est utilisй de mauvaise foi lorsque le dйfendeur persiste а se montrer silencieux, en dйpit des mises en demeure rйpйtйes de la requйrante. Voir Telecom Personal, S.A. v. Namezero.com, Inc. - Litige OMPI No. D2001-0015.

En outre, la Commission administrative relиve que le nom de domaine <berlutti.com> n'est pas liй а un site actif.

Or, l'usage passif d'un nom de domaine peut кtre considйrй comme contraire au principe de la bonne foi. Voir Telstra Corporation Limited v. Nuclear Marshmallows - Litige OMPI No. D2000-0003; Banco Bilbao Vizcaya Argentaria, S.A. v. Victor Edet Okon - Litige OMPI No. D2004-0245.

Enfin, rien n'indique que le dйfendeur soit connu ou qu'il exerce une quelconque activitй sous le nom BERLUTTI.

Ces circonstances amиnent la Commission administrative а conclure que le nom de domaine <berlutti.com> a йtй enregistrй et utilisй de mauvaise foi par le dйfendeur et que la condition prйvue au paragraphe 4 a) iii) est donc remplie.

7. Dйcision

Pour les raisons exposйes ci-dessus et conformйment aux paragraphes 4 a) des Principes directeurs et 15 des Rиgles d'application, la Commission administrative ordonne le transfert de <berlutti.com> а la requйrante.

Theda Kцnig Horowicz
Expert Unique

Le 28 juin 2004