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Centre d'arbitrage et de mйdiation de l'OMPI

 

DЙCISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE

Accor contre Accors

Litige n° D2004-0998

 

1. Les parties

Le requйrant est ACCOR, Evry, France, reprйsentй par Cabinet Dreyfus & Associйs, France.

Le dйfendeur est Accors, Cunиges, France.

 

2. Nom de domaine et unitй d’enregistrement

Le litige concerne le nom de domaine <accors.com>.

L’unitй d’enregistrement auprиs de laquelle le nom de domaine est enregistrй est Nordnet.

 

3. Rappel de la procйdure

Une plainte a йtй dйposйe par Accor auprиs du Centre d’arbitrage et de mйdiation de l’Organisation Mondiale de la Propriйtй Intellectuelle (ci-aprиs dйsignй le “Centre”) en date du 26 novembre 2004.

En date du 26 novembre 2004, le Centre a adressй une requкte а l’unitй d’enregistrement du nom de domaine litigieux, NORDNET, aux fins de vйrification des йlйments du litige, tels que communiquйs par le Requйrant. L’unitй d’enregistrement a confirmй l’ensemble des donnйes du litige en date du 1er dйcembre 2004.

Le Centre a vйrifiй que la plainte rйpond bien aux Principes directeurs rйgissant le Rиglement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-aprиs dйnommйs “Principes directeurs”), aux Rиgles d’application des Principes directeurs (ci-aprиs dйnommйes les “Rиgles d’application”), et aux Rиgles supplйmentaires de l’OMPI (ci-aprиs dйnommйes les “Rиgles supplйmentaires”) pour l’application des Principes directeurs prйcitйs.

Conformйment aux paragraphes 2(a) et 4(a) des Rиgles d’application, le 6 dйcembre 2004, une notification de la plainte valant ouverture de la prйsente procйdure administrative, a йtй adressйe au dйfendeur. Conformйment au paragraphe 5(a) des Rиgles d’application, le dernier dйlai pour faire parvenir une rйponse йtait le 26 dйcembre 2004. Le dйfendeur n’a fait parvenir aucune rйponse. En date du 28 dйcembre 2004, le Centre notifiait le dйfaut du dйfendeur.

En date du 4 janvier 2005, le Centre nommait dans le prйsent litige comme expert unique Louis-Bernard Buchman. La Commission administrative constate qu’elle a йtй constituйe conformйment aux Principes directeurs et aux Rиgles d’application. La Commission administrative a adressй au Centre une dйclaration d’acceptation et une dйclaration d’impartialitй et d’indйpendance, conformйment au paragraphe 7 des Rиgles d’application.

Le 10 janvier 2005, le dйfendeur interrogeait le Centre pour savoir s’il devait faire parvenir au Centre copies des piиces en sa possession, concernant les courriers entre les parties, ce а quoi le Centre rйpondait le jour mкme que le dйlai pour rйpondre йtait expirй depuis le 26 dйcembre 2004 et que le dйfendeur aurait pu mentionner ces courriers dans sa rйponse.

 

4. Les faits

Le requйrant, sociйtй parmi les plus importantes au monde dans le secteur du voyage, du tourisme et du service destinй aux entreprises, possиde plus de 4000 hфtels dans le monde entier, et particuliиrement en France et en Dordogne, rйgion du dйfendeur.

Le requйrant est prйsent sur Internet grвce aux noms de domaine qu’il a rйservй et qu’il exploite activement, notamment <accorhotels.com> (enregistrй en 1998) et <accorhotel.com>.

Le requйrant est titulaire de nombreux droits de marques dans le monde entier, pour des produits et services de l’hфtellerie et de la restauration mais йgalement d’Internet, parmi lesquels:

- “ACCOR”, n° 742032, dйposйe le 25 aoыt 2000 en classe 38 (Internet).

- “ACCOR” n° 537520, dйposйe le 28 mars 1989 pour les produits et services des classes 5, 8, 9, 11, 18, 21, 24, 25, 28 et 37.

- “ACCOR” n° 480492, dйposйe le 10 novembre 1983 pour les produits et services des classes 16, 39 and 42 (hфtellerie et restauration);

- “ACCOR” + logo n° 687060, dйposйe le 19 janvier 1998 pour les produits et services des classes 16, 36, 39, 41 et 42 (hфtellerie et restauration).

- “ACCOR” + logo n° 616274, dйposйe le 17 mars 1994 pour des produits et services des classes 16, 38, 39 et 42 (hфtellerie et restauration);

- “ACCOR” + logo n° 727696, dйposйe le 28 dйcembre 1999 pour les produits et services des classes 16, 39 et 42 (hфtellerie et restauration).

Par ailleurs, le signe ACCOR est protйgй а titre de dйnomination sociale.

Le requйrant, ayant constatй que le dйfendeur avait rйservй le nom de domaine <accors.com>, lui a adressй une lettre de mise en demeure le 4 mai 2004, par email et par lettre recommandйe avec accusй de rйception, reзue par le dйfendeur le 6 mai 2004, afin de tenter d’obtenir le transfert amiable du nom de domaine <accors.com>.

Afin de tenter une derniиre fois d’obtenir le transfert amiable et volontaire du nom de domaine <accors.com>, le requйrant a adressй une deuxiиme lettre de mise en demeure au dйfendeur le 24 septembre 2004, sans qu’elle soit davantage suivie d’effet.

Le requйrant a alors engagй la prйsente procйdure.

 

5. Argumentation des parties

A. Requйrant

Le requйrant argue :

- qu’il est йtabli qu’il dispose de droits sur la marque reproduite dans le nom de domaine concernй par la prйsente procйdure,

- qu’il est de jurisprudence constante que l’extension du nom de domaine, suffixe nйcessaire pour l’enregistrement du nom, est sans incidence sur l’apprйciation du risque de confusion (Cf. Dйcision OMPI D2000-0003, Telstra Corp Ltd v. Nuclear Marshmallows), l’extension “.com” ne devant donc pas кtre prise en considйration pour examiner la similaritй entre la marque antйrieure et le nom de domaine, car la partie signifiante du nom de domaine est le terme “accors”, et

- que le simple ajout de la lettre “s” est inopйrant а faire disparaоtre le risque de confusion et pourrait constituer un cas йvident de “typosquatting”, car ne permettant pas de distinguer clairement le nom de domaine de la marque (Cf. Dйcision OMPI No. D2002-0568, Go Daddy Software, Inc.v.Daniel Hadani, <fodaddy.com>, <gidaddy.com> et <gpdaddy.com>; Dйcision OMPI No.D2004-0053 Accor v. S1A., <acorhotels.com>).

Le nom de domaine <accors.com> apparaоt ainsi strictement identique а la marque antйrieure ACCOR dйposйe par le requйrant. Le requйrant estime йgalement que le dйfendeur n’a aucun droit sur le nom de domaine ni aucun intйrкt lйgitime qui s’y attache et que le nom de domaine a йtй enregistrй et est utilisй de mauvaise foi. Le requйrant demande que l’enregistrement de ce nom de domaine litigieux lui soit transfйrй.

B. Dйfendeur

Aucun document n’ayant йtй reзu par la Commission administrative йmanant du dйfendeur, celle-ci n’a pas connaissance d’une quelconque argumentation de sa part.

 

6. Discussion et conclusions

La Commission administrative est tenue d’appliquer le paragraphe 15(a) des Rиgles d’application qui prйvoit que : “La commission statue sur la plainte au vu des йcritures et des piиces qui lui ont йtй soumises et conformйment aux Principes directeurs, aux prйsentes Rиgles et а tout principe ou rиgle de droit qu’elle juge applicable”.

Le paragraphe 4(a) des Principes directeurs impose au requйrant de prouver contre le dйfendeur cumulativement que :

(a) Son nom de domaine est identique ou semblable au point de prкter а confusion, а une marque de produits ou de services sur laquelle le requйrant a des droits.

(b) Il n’a aucun droit sur le nom de domaine ni aucun intйrкt lйgitime qui s’y attache.

(c) Son nom de domaine a йtй enregistrй et est utilisй de mauvaise foi.

A. Identitй ou similitude prкtant а confusion

Le requйrant est titulaire depuis longtemps des marques “ACCOR”, en France et а l’йtranger, pour dйsigner, notamment, des produits ou services dans le secteur de l’hфtellerie et de la restauration et, depuis avril 2000, en France, pour dйsigner des services de tйlйcommunications et spйcialement des “services de diffusion d’informations par voie йlectronique notamment pour les rйseaux de communication mondiales (de type Internet)”, et ce dans la classe 38 de la classification internationale.

Il est par ailleurs relevй que la marque “ACCOR” jouit, en France notamment, d’une rйelle notoriйtй acquise dans ses prestations d’hфtellerie et de restauration.

En ce qui concerne l’identitй ou la similitude des signes eux-mкmes, (ACCOR / <accors.com>), il sera tout d’abord estimй, conformйment а nombre de dйcisions dйjа rendues, que l’adjonction а un signe de la sйquence gйnйrique “.com” est inopйrante et n’altиre nullement la perception du signe objet dudit ajout. Demeure alors la question de la comparaison : “accor” / “accors”.

La marque “ACCOR” est totalement reproduite par le nom “accors”.

La Commission estime que le public en gйnйral et les internautes en particulier pourraient penser que le nom de domaine litigieux renvoie а un service du requйrant, ce nom de domaine йtant semblable а une marque sur laquelle le requйrant a des droits, au point de prкter а confusion.

Dans ces conditions, la Commission constate que l’exigence du paragraphe 4(a), (i) des Principes directeurs est satisfaite.

B. Droits ou lйgitimes intйrкts

Aucun йlйment du dossier ne rйvиle qu’avant d’avoir eu connaissance du litige, le dйfendeur ait utilisй le nom de domaine litigieux, ou un nom correspondant au nom de domaine litigieux, en relation avec une offre de bonne foi de produits ou services ou fait des prйparatifs sйrieux а cet effet.

Le dйfendeur n’est en aucune maniиre affiliй au requйrant et n’a pas йtй autorisй par ce dernier а utiliser et а enregistrer sa marque ou а procйder а l’enregistrement de noms de domaine incluant la marque en question. Il n’est ni licenciй, ni tiers autorisй а utiliser la marque, y compris а titre de nom de domaine.

L’enregistrement de nombreuses marques et de noms de domaine par le requйrant est antйrieur de plusieurs annйes а l’enregistrement du nom de domaine litigieux.

Ainsi, le nom de domaine <accorhotels.com>, sous lequel la sociйtй Accor exerce ses activitйs, a йtй enregistrй en 1998.

Par ailleurs, le dйfendeur ne fait pas non plus un usage lйgitime et non commercial du nom de domaine litigieux comme en atteste le fait qu’il n’y ait aucun site exploitй derriиre ce nom mais une simple page Internet de l’hйbergeur Le Relais Internet.com.

Le dossier rйvиle que le dйfendeur a contactй le requйrant par tйlйphone et lui a exposй ne pas кtre disposй а transfйrer le nom de domaine. Le dйfendeur a prйcisй que la sociйtй Accors йtait en cours de formation et qu’elle avait pour activitй le conseil et la formation en entreprise. Le dйfendeur a йgalement informй le requйrant que la sociйtй Accors йtait en cours de changement de nom.

Pourtant, le dйfendeur n’a soumis aucun йlйment de preuve de ces faits, au contraire il a choisi de ne pas rйpondre а la plainte. Par contre, le requйrant a exposй qu’il n’existe а ce jour aucune sociйtй au nom de “Accors” en France contrairement aux allйgations du dйfendeur.

Enfin, le dйfendeur n’est pas connu sous le nom de ACCORS, mкme sans avoir acquis de droits sur une marque identique ou semblable. Le dйfendeur ne promeut pas ce nom puisque son dernier courriel du 10 janvier 2005 est signй « Accompagnement Orientation Rйinsertion Sociale ».

La Commission est d’avis, dans ces conditions, que le dйfendeur n’a pas de droit sur le nom de domaine litigieux ni aucun intйrкt lйgitime qui s’y attache.

C. Enregistrement et usage de mauvaise foi

En vertu du Paragraphe 4(a)(iii) des Principes Directeurs, le requйrant doit prouver que le dйfendeur a enregistrй et utilisй le nom de domaine litigieux de mauvaise foi. La mauvaise foi doit кtre prouvйe dans l’usage comme dans l’enregistrement.

En ce qui concerne l’enregistrement de mauvaise foi, le dйfendeur ne pouvait pas ne pas avoir eu connaissance de la sociйtй Accor et de ses hфtels au moment oщ il a enregistrй le nom de domaine <accors.com>.

Il parait en effet assez difficile de soutenir que le dйfendeur ignorait l’existence du requйrant alors mкme que le nom de domaine reproduit quasiment а l’identique la marque de ce dernier, la seule diffйrence consistant en l’ajout de la lettre de terminaison “s” qui ne saurait confйrer un sens diffйrent au signe ni permettre de les distinguer.

Le simple ajout de la lettre de terminaison “s” au signe “accor” laisse penser, au contraire, que la rйservation a йtй effectuйe dans le but d’attirer les internautes vers le site Internet du dйfendeur en crйant une grande similitude avec la marque du requйrant.

De plus, le fait que le site ne soit pas exploitй peut se rйvйler trиs prйjudiciable pour le requйrant, notamment lorsque les internautes en quкte de renseignement se trouveront sur une page web sans rapport avec l’hфtellerie.

Cette attitude constitue une preuve de mauvaise foi incontestable dиs lors que la rйservation a pour consйquence, mкme indirecte, de nuire а la rйputation du titulaire de la marque antйrieure. (Dйcision OMPI No. D2001-1493, The Nasdaq Stock Market, Inc. v. Vidudala Prasad).

Il rйsulte йgalement du dossier que le nom de domaine litigieux n’a pas fait l’objet d’une exploitation depuis son enregistrement.

Des dйcisions de Commissions administratives ont dйjа et а plusieurs reprises pu retenir que la dйtention d’un nom de domaine sans qu’un site actif y corresponde pouvait, dans certains cas, кtre considйrйe comme une utilisation de mauvaise foi du nom de domaine (Cf. Dйcision OMPI D2000-0003 Telstra Corporation Limited v. Nuclear Marshmallows, Dйcision OMPI D2000-0098 Christian Dior Couture et Dйcision OMPI D2004-0053 Accor v. S1A).

Les circonstances plus haut dйcrites traduisent le fait qu’en dйtenant ce nom de domaine inactif, aprиs une mise en demeure de le transfйrer au requйrant, et en ne se manifestant plus jusqu’а la prйsente procйdure administrative, le dйfendeur a procйdй а une utilisation de mauvaise foi du nom de domaine en cause.

Par ailleurs, la marque ACCOR est particuliиrement renommйe en France et il ne peut кtre valablement soutenu que le dйfendeur ignorait son existence.

De surcroоt, le dйfendeur ne pouvait raisonnablement ignorer que le transfert de l’enregistrement de deux noms de domaine similaires au nom de domaine litigieux, а savoir <accorsucks.com> et <accorservice.com> a йtй ordonnй par les dйcisions OMPI No.D2001-0007 et No. D2004-0681, consultables en ligne et tйlйchargeables sur le site Internet du Centre de mйdiation et d’arbitrage de l’OMPI, et que cette circonstance aggrave la mauvaise foi avec laquelle le dйfendeur fait usage du nom de domaine litigieux.

En consйquence, le dйfendeur a enregistrй et utilise le nom de domaine litigieux de mauvaise foi.

La Commission administrative conclut que les divers йlйments prйvus au paragraphe 4(a)(i а iii) des Principes directeurs sont cumulativement rйunis.

 

7. Dйcision

Pour les motifs qui prйcиdent, la Commission administrative dйcide que le requйrant a apportй la dйmonstration que le nom de domaine <accors.com> est identique ou semblable au point de prкter а confusion, aux marques sur lesquelles le requйrant a des droits; que le dйfendeur n’a aucun droit sur le nom de domaine en cause ni aucun intйrкt lйgitime qui s’y attache et qu’il a йtй enregistrй et utilisй de mauvaise foi.

En consйquence, en application des paragraphes 4.i) des Principes Directeurs et 15 des Rиgles d’application, et en cohйrence avec les dйcisions antйrieurement rendues par des commissions administratives du Centre de mйdiation et d’arbitrage de l’OMPI dans des dossiers concernant ACCOR, la Commission administrative ordonne que l’enregistrement du nom de domaine <accors.com> soit transfйrй au requйrant, la sociйtй ACCOR.


Louis-Bernard Buchman
Expert Unique

Le 31 janvier 2005

 

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