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Centre d’arbitrage et de mйdiation de l’OMPI

DЙCISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE

La Franзaise des Jeux contre Mediastay - Jeune 2000 S.A.

Litige n° D2007-0065

 

1. Les parties

Le requйrant est La Franзaise des Jeux, Boulogne-Billancourt, France, reprйsentй par Inlex Conseil, France.

Le dйfendeur est Mediastay - Jeune 2000 S.A., Jerome Balmes, Aix-en-Provence, France, reprйsentй par le Cabinet Guillaume Teissonniere, France.

2. Noms de domaine et unitй d’enregistrement

Le litige concerne les noms de domaine :

<kingoloto.com> enregistrй le 6 fйvrier 2001

<kingoloto.net> enregistrй le 23 fйvrier 2005

<kingoloto.org> enregistrй le 10 octobre 2005

L’unitй d’enregistrement auprиs de laquelle les noms de domaine sont enregistrйs est eNom, Inc.

3. Rappel de la procйdure

Une plainte a йtй dйposйe par La Franзaise des Jeux auprиs du Centre d’arbitrage et de mйdiation de l’Organisation Mondiale de la Propriйtй Intellectuelle (ci-aprиs dйsignй le “Centre”) en date du 17 janvier 2007.

En date du 18 janvier 2007, le Centre a adressй une requкte а l’unitй d’enregistrement des trois noms de domaine litigieux, eNom, Inc, aux fins de vйrification des йlйments du litige, tels que communiquйs par le Requйrant. L’unitй d’enregistrement a confirmй l’ensemble des donnйes du litige en date du 19 janvier 2007.

Le Centre a vйrifiй que la plainte rйpond bien aux Principes directeurs rйgissant le Rиglement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-aprиs dйnommйs “Principes directeurs”), aux Rиgles d’application des Principes directeurs (ci-aprиs dйnommйes les “Rиgles d’application”), et aux Rиgles supplйmentaires de l’OMPI (ci-aprиs dйnommйes les “Rиgles supplйmentaires”) pour l’application des Principes directeurs prйcitйs.

Conformйment aux paragraphes 2(a) et 4(a) des Rиgles d’application, le 23 janvier 2007, une notification de la plainte valant ouverture de la prйsente procйdure administrative, a йtй adressйe au dйfendeur. Conformйment au paragraphe 5(a) des Rиgles d’application, le dernier dйlai pour faire parvenir une rйponse йtait le 12 fйvrier 2007. Le dйfendeur a fait parvenir sa rйponse au Centre le 12 fйvrier 2007.

Le 16 fйvrier 2007 le dйfendeur a dйposй deux piиces complйmentaires numйrotйes 23 et 24.

En date du 29 mars 2007, le Centre nommait Jean-Claude Combaldieu, Martine Dehaut et Olivier E. Itйanu comme experts dans le prйsent litige. La Commission administrative constate qu’elle a йtй constituйe conformйment aux Principes directeurs et aux Rиgles d’application. La Commission administrative a adressй au Centre une dйclaration d’acceptation et une dйclaration d’impartialitй et d’indйpendance, conformйment au paragraphe 7 des Rиgles d’application.

En application du paragraphe 11.a) des Rиgles d’application la prйsente dйcision est rйdigйe en franзais compte tenu notamment du fait que les deux parties rйsident en France. De plus les responsables et conseils des parties sont francophones de mкme que l’intйgralitй des membres de la Commission administrative.

Enfin, en application de l’article 10 des Rиgles d’application, et plus particuliиrement du paragraphe 10.d), le Commission estime recevables les piиces complйmentaires 23 et 24 dйposйes le 16 fйvrier 2007 par le dйfendeur, s’agissant de deux dйcisions prises par l’INPI (Institut National de la Propriйtй Industrielle) le 14 fйvrier 2007, et qui ne sont que l’aboutissement d’une procйdure d’opposition contradictoire dйjа йvoquйe par le dйfendeur dans son mйmoire du 12 fйvrier 2007 et dans ses annexes 4, 5, 6 et 7.

Quoique trиs tardive, mais pour des raisons d’йquitй, la communication du requйrant du 4 avril 2007 par courrier йlectronique est йgalement prise en considйration.

4. Les faits

Le requйrant est la sociйtй nationale “La Franзaise des Jeux” qui est chargйe d’organiser des loteries, jeux d’argents et paris dans le domaine sportif. Elle met ces jeux а la disposition du public sous le nom de “loto”, employй seul ou en association avec d’autres termes tels que “euro”, “super”, “foot”, etc.

Le requйrant est titulaire des marques suivantes :

Marque franзaise verbale LOTO dйposйe le 22 avril 1983 dans les classes 1 а 45 et enregistrйe sous le n° 1 435 425.

Marque franзaise semi figurative LOTOPHONE dйposйe le 8 janvier 1987 dans les classes 35, 36, 38,39 et 41 et enregistrйe sous le n° 1 394 262.

Marque franзaise semi figurative LOTO dйposйe le 25 mars 1999 dans les classes 1 а 42 et enregistrйe sous le n° 99 782889.

Marque franзaise semi figurative LOTO dйposйe le 25 mars 1999 dans les classes 1 а 42 et enregistrйe sous le n° 99 782890.

Marque franзaise verbale LOTO SURPRIZZ dйposйe le 2 aoыt 2002 dans les classes 9, 16, 28 et 41et enregistrйe sous le n° 02 3178019.

Marque franзaise verbale SUPER LOTO dйposйe le 29 dйcembre 1995 dans les classes 9, 16, 28, 35, 38 et 41 et enregistrйe sous le n°95 603714.

Marque franзaise verbale LOTO dйposйe le 10 avril 2002 dans les classes 9,19, 35, 38 et 41et enregistrйe sous le n° 02 3158601.

Marque franзaise verbale LOTO dйposйe le 26 juin 2003 dans les classes 1 а 13, 16, 19 а 22, 24 а 45 et enregistrйe sous le n° 03 3233275.

Marque franзaise FRANCE LOTO dйposйe le 12 avril 2001 dans les classes 9, 16, 18, 25, 28, 35, 36, 38, 39 et 41et enregistrйe sous le n° 2178788.

De plus le requйrant a enregistrй des noms de domaine entre mars 2003 et janvier 2006 contenant le terme “loto”.

De son cфtй le dйfendeur, outre les trois noms de domaine litigieux visйs au point 2 ci-dessus, a dйposй le 7 mars 2006 sous le nom “Jeune 2000” deux marques KINGOLOTO l’une verbale, l’autre semi figurative respectivement sous les n° 03 3 414 600 et 06 3 414 601. Les classes dйsignйes sont les classes 35, 38, 41 et 42. Ce sont ces deux marques qui ont fait l’objet d’une procйdure d’opposition devant l’INPI а l’initiative du requйrant.

5. Argumentation des parties

A. Requйrant

Le requйrant articule sa plainte autour des trois critиres classiques prйvus а l’article 4.a) des Principes directeurs : identitй ou similitude prкtant а confusion entre les noms de domaine et les marques antйrieures, droits ou intйrкts lйgitimes du dйfendeur sur les noms de domaine litigieux, enregistrement et usage de mauvaise foi.

Aprиs avoir rappelй les marques et noms de domaine dont il est titulaire, le requйrant insiste sur le fait qu’il a obtenu l’enregistrement de la marque LOTO en 2002 et 2003 pour dйsigner des jeux et des loteries sur la base d’une distinctivitй acquise par l’usage (art. L 711-2 du Code de la propriйtй intellectuelle franзais).Cette dйcision est postйrieure а un Arrкt de la Cour d’appel du 18 juin 2002 qui avait prononcй une annulation partielle de la marque pour manque de distinctivitй а la date de dйpфt (1983) et n’avait pas pris en considйration la distinctivitй acquise par l’usage pendant la pйriode 1983-2002.

Un autre Arrкt de la Cour d’Appel de Paris du 13 fйvrier 2004 reconnaоt le caractиre distinctif de la marque LOTO pour dйsigner des jeux.

Le requйrant dйveloppe ensuite l’argument selon lequel les noms de domaine litigieux sont similaires au point de prкter а confusion avec ses propres marques.

Aprиs avoir йliminй les extensions gйnйriques gTLD “.com”, “.net”, “.org”, dont il n’y a pas lieu de tenir compte dans l’apprйciation de la similitude, il fait valoir :

- que les noms de domaines litigieux contiennent entiиrement la marque “LOTO”,

- que dans l’expression “kingoloto” que le terme “loto” est distinctif et que le mot “kingo” est descriptif de sorte que ce dernier terme n’йlimine pas l’impression visuelle d’un lien du nom de domaine avec les marques du requйrant.

- que les noms de domaine du dйfendeur, qui incorporent des droits du requйrant, dirigent l’internaute vers des sites directement en concurrence avec les activitйs du requйrant, identiques aux services couverts par les marques du requйrant (notamment des jeux d’argent) et en violation du monopole d’Йtat dйtenu par le requйrant.

Selon le requйrant le terme “kingo” se rйfиre manifestement au mot “king” ce qui est compris par le consommateur comme “le roi du jeu appelй LOTO”. Manifestement l’addition du mot gйnйrique “kingo” ne conduit pas а une distinction des marques du requйrant. A cet йgard ce dernier rappelle qu’il a enregistrй les noms de domaine <euroloto.eu>, <franceloto.eu>, <petitloto.fr>, <lotosurprizz.com>.

En conclusion, le requйrant affirme que les noms de domaine litigieux sont similaires au point de prкter а confusion avec les marques sur lesquelles il a des droits, notamment parce que ces noms de domaine incorporent entiиrement la marque LOTO, parce que le dйfendeur offre des services directement concurrents, et enfin parce que l’addition d’un terme gйnйrique n’йlimine pas la confusion.

Le requйrant ajoute encore, que loin de rйduire le risque de confusion, le mot “kingo” “exacerbe” la ressemblance en dйcrivant une qualitй du terme dominant “loto” (le roi des lotos) comme c’est le cas pour la marque SUPERLOTO et autres noms de domaine. Le requйrant produit en annexe un certain nombre de dйcisions et cite par exemple dans sa plainte le nom de domaine <3615loto.com> qui lui a йtй transfйrй.

Il estime qu’en rйalitй les trois noms de domaine litigieux ont йtй conзus dans l’intention d’imiter les marques de “La Franзaise des Jeux”.

Le requйrant dйveloppe ensuite ses arguments tendant а prouver que le dйfendeur n’a ni droits ni lйgitimes intйrкts sur les noms de domaine litigieux.

Le requйrant expose que les dйpфts de marques KINGOLOTO par le dйfendeur (pour lesquelles le requйrant a formй des oppositions devant l’INPI) couvrent les jeux d’argent. De mкme les noms de domaine KINGOLOTO redirigent vers un site Internet franзais proposant des jeux d’argent. Le requйrant rappelle au passage qu’il dйtient un monopole d’Йtat sur ce type de jeux.

Toutes ces activitйs entrent directement en concurrence avec celles du requйrant. Ce dernier en conclut que le dйfendeur a voulu, en se servant du mot ”loto”, crйer une confusion avec les activitйs du requйrant, a voulu aussi profiter de la notoriйtй de ce dernier et finalement tromper le consommateur.

Le requйrant souligne par ailleurs qu’il n’a jamais donnй une licence ou autre type d’autorisation au dйfendeur (avec lequel il n’a aucune relation commerciale) pour utiliser le terme “loto”. C’est donc sans aucune justification que le dйfendeur a dйposй les trois noms de domaine litigieux.

Le requйrant insiste sur la notoriйtй de ses marques LOTO ou contenant le mot “loto”. Si la premiиre marque LOTO a йtй dйposйe en 1983, ce terme est utilisй depuis 1976 c’est-а-dire depuis plus de 30 ans. Beaucoup d’efforts promotionnels ont йtй accomplis, les recherches sur le moteur de recherche Google attestent de cette notoriйtй, ainsi d’ailleurs qu’un sondage IPSOS. Des dйcisions des Offices de marques tels que l’INPI, l’OHMI et l’OMPI attestent de cette connaissance des marques du requйrant ainsi qu’une dйcision d’une commission administrative dans une affaire portant sur le nom de domaine < lotofr.com>.

C’est donc avec une totale mauvaise foi que le dйfendeur aurait enregistrй les trois noms de domaine litigieux d’autant plus qu’il habite en France tout comme le requйrant. Il serait donc clair qu’il a essayй d’utiliser les marques et la rйputation du requйrant pour attirer les consommateurs sur son propre site et ceci а des fins lucratives.

Le requйrant rappelle encore une fois qu’il dйtient un monopole d’Йtat sur cette activitй de jeux d’argent notamment dans l’intйrкt de l’ordre public et de la protection des consommateurs. Le dйfendeur n’a aucune accrйditation officielle et n’avait donc aucun droit lйgitime а rйserver les trois noms de domaine litigieux.

Le requйrant aborde enfin la question de l’enregistrement et de l’usage des noms de domaine de mauvaise foi.

L’йvidente mauvaise foi du dйfendeur rйsulterait des faits suivants :

- le dйfendeur ne fait pas un usage commercial de bonne foi. Il offre sur ses sites des jeux d’argent directement en concurrence avec ceux du requйrant en trompant le consommateur sur l’origine du jeu.

- Sur son site “kingoloto.com” il prйsente un jeu hautement similaire а celui communйment connu sous le nom de “loto” : Mкme principe consistant а cocher six numйros sur une grille de 49 nombres. Ce site indique qu’il s’agit de la “premiиre loterie franзaise gratuite”.

- En fait le jeu proposй est un jeu payant (ce qui est strictement encadrй au seul bйnйfice de requйrant sur le territoire franзais) car l’internaute doit confirmer son bulletin en cliquant sur une fenкtre publicitaire, les frais de participation au jeu sont gйnйrйs par les coыts d’Internet, les gains sont des cadeaux vouchers, des chиques voyages, des bons d’achat, une annйe de salaire…et il est mкme proposй un systиme de sponsoring.

Le requйrant allиgue que tout ceci ne peut кtre considйrй comme une exploitation de bonne foi des noms de domaine car il est йvident que le but poursuivi est d’utiliser une marque notoire pour tromper le consommateur et l’attirer sur le site litigieux dans le seul but de faire des bйnйfices commerciaux.

Le requйrant a aussi tenu а prйciser dans son courrier йlectronique du 4 avril 2007 que contrairement а ce qui est affirmй dans le mйmoire du dйfendeur il n’y a jamais eu de partenariat publicitaire entre “La Franзaise des Jeux” et “Jeunes 2000”. Ce partenariat a eu lieu avec “Declic” et s’est terminй en 2005. Le requйrant manifeste sa surprise de voir le dйfendeur faire йtat d’un accord auquel il n’est pas partie. Il y voit une preuve supplйmentaire de mauvaise foi.

De plus les trois sites litigieux ternissent la marque du requйrant ce qui serait aussi un йlйment de mauvaise foi.

En conclusion gйnйrale le requйrant demande que les trois noms de domaine <kingoloto.com>, <kingoloto.net> et <kingoloto.org> lui soient transfйrйs.

B. Dйfendeur

Dans son mйmoire en rйponse le dйfendeur rйfute tous les arguments du requйrant.

Il traite en premier lieu de la confusion entre les marques et les noms de domaine.

Le dйfendeur offre des jeux de loterie gratuite depuis mai 2001 et il verse au dйbat un extrait de la page de garde de <kingoloto.com> datant de cette йpoque.

Le 7 mars 2006 le dйfendeur a dйposй deux marques KINGOLOTO susvisйes au paragraphe 4 (Les faits) notamment pour les loteries gratuites (а l’exception des jeux payants). Le 14 juin 2006 le requйrant a engagй une procйdure d’opposition contre ces deux marques au motif que ces derniиres constituaient l’imitation de sa marque antйrieure LOTO et ce pour des services identiques ou similaires.

Le directeur de l’INPI dans ses projets de dйcision du 20 dйcembre 2006 proposait de rejeter l’opposition en particulier parce qu’il n’y pas d’imitation de la marque antйrieure ni de confusion possible pour le public entre les marques “LOTO” et “KINGOLOTO” et ce malgrй l’identitй et la similaritй de certains services. Ces dйcisions ont йtй dйfinitivement confirmйes par l’INPI le 14 fйvrier 2007.

Le dйfendeur fait aussi valoir que le signe “loto” est un mot usuel de la langue franзaise et qu’il y a de sйrieux doutes sur la validitй de la marque LOTO.

En effet un grand nombre de dйcisions de l’INPI et des Tribunaux ont considйrй que le mot “loto” est, au mieux, faiblement distinctif (Arrкt de la Cour d’Appel de Paris du 13 fйvrier 2004) et dans la plupart des dйcisions le dit mot est considйrй comme un mot commun pour dйsigner des jeux ou des loteries.

En particulier le dйfendeur expose que la Cour d’Appel de Paris, dans son arrкt du 18 janvier 2002, a annulй la marque LOTO n° 1 435 425 pour manque de distinctivitй, Arrкt qui a йtй confirmй par la Cour de Cassation le 28 avril 2004 (n° 02-14373) cette derniиre date йtant postйrieure а la dйcision de l’INPI mentionnйe par le requйrant et а l’Arrкt de la Cour d’Appel de Paris du 13 fйvrier 2004 reconnaissant le caractиre distinctif de la marque LOTO acquis par l’usage.

La nullitй est due au fait que le mot “loto” est un mot banal de la langue franзaise pour dйsigner une loterie ou un jeu de chance (voir dictionnaire Le petit Robert).

Selon le dйfendeur, d’autres cas montrent la mauvaise foi du requйrant dans son argumentation. C’est ainsi :

- que dans une opposition du requйrant contre la marque LOTOTEXTO, l’INPI a conclu а l’absence de confusion au motif que le mot TEXTO est clairement distinctif pour les jeux de loterie et que la marque contestйe ne pouvait pas conduire а un risque de confusion avec la marque faiblement distinctive LOTO. L’opposition a йtй rejetйe et LOTOTEXTO a йtй enregistrй pour les jeux d’argent (OPP 04-2033). Le problиme est quasiment le mкme pour KINGOLOTO et le requйrant ne peut sйrieusement prйtendre que le terme “loto” serait distinctif et le mot “kingo” descriptif pour les loteries.

- que l’idйe selon laquelle le mot “kingo” serait un superlatif (comme le terme “super” dans SUPERLOTO) pour signifier “le roi des lotos” n’est pas sйrieuse. Le mot “kingo”(ne pas confondre avec “King of”) n’a aucun sens en franзais. “kingo” s’apparente plutфt aux mots “bingo” ou “bongo”. C’est l’analyse retenue par le directeur de l’INPI dans les procйdures d’opposition contre les marques du dйfendeur.

- Que le cas <3615loto.com> invoquй par le requйrant n’est pas plus pertinent. En effet l’expression “3615” n’est absolument pas distinctive car il s’agit du code d’accиs aux services minitel. Il est en quelque sorte l’йquivalent du “.com” pour l’accиs а l’Internet.

En conclusion le dйfendeur soutient que, compte tenu des observations formulйes, et plus particuliиrement des dйcisions judiciaires invoquйes ci-dessus, il y a de trиs sйrieux doutes concernant la validitй de la marque LOTO.

Le dйfendeur fait йgalement valoir qu’en tout йtat de cause, mкme en supposant que la marque LOTO est valable, elle est faiblement distinctive et le seul usage du mot “loto” dans les noms de domaine litigieux ne suffit pas а crйer un risque de confusion avec les droits du requйrant. L’INPI a rendu des dйcisions dans ce sens en parfait accord avec les dйcisions de la Cour de Cassation et de la Cour d’Appel de Paris.

Finalement les noms de domaine litigieux ne pourraient pas кtre considйrйs comme similaires au point de prкter а confusion avec les marques du requйrant.

Le dйfendeur continue ses observations sur le problиme des droits ou intйrкts lйgitimes sur les noms de domaine.

Le dйfendeur offre des jeux de loterie gratuits depuis mai 2001 et il est classifiй parmi les loteries gratuites les plus populaires sur son site “kingoloto.com” selon le site Nielsen/ net ratings. En consйquence, comme le mot “loto” est un mot usuel de la langue franзaise pour dйsigner des loteries et que le mot “kingo” est clairement distinctif le requйrant avait le droit et un intйrкt lйgitime а utiliser les noms de domaine litigieux. Ce point de vue est confirmй par les dйcisions du directeur de l’INPI qui a validй les marques KINGOLOTO malgrй l’opposition du requйrant.

Par ailleurs, le dйfendeur estime que les affirmations du requйrant relatives а la lйgalitй du site du dйfendeur ne sont pas sйrieuses. En effet les jeux proposйs par le site KINGOLOTO sont entiиrement gratuits (voir les Rиglements de Kingoloto.com). Seuls sont interdits en France les jeux d’argent avec une dйpense (contrepartie financiиre) mais pas les jeux gratuits (article L.121-36 du Code de la consommation) et ceci mкme si on gagne de l’argent. Le requйrant a seulement le monopole sur les jeux oщ il faut miser de l’argent.

Par consйquent le dйfendeur aurait des droits et des intйrкts lйgitimes pour poursuivre son activitй.

Le dйfendeur aborde ensuite la question de la bonne foi а l’occasion de l’usage et de l’enregistrement des noms de domaine litigieux.

Depuis 2001, date du dйbut d’exploitation du site “kingoloto.com”, le requйrant connaоt parfaitement son existence et mкme sa lйgalitй. Bien plus, dans le cadre d’un partenariat publicitaire le site “kingoloto.com” a fait en 2005 la promotion du SUPERLOTO de “La Franзaise des Jeux”.

Le dйfendeur considиre que tout ceci montre bien que le requйrant ne peut pas sйrieusement arguer de la mauvaise foi dans l’usage et l’enregistrement des noms de domaine litigieux uniquement utilisйs pour des jeux gratuits conformйment а la lйgislation franзaise.

Allant encore plus loin le dйfendeur affirme que la plainte a йtй formulйe de mauvaise foi :

- Contrairement aux affirmations du requйrant les noms de domaine litigieux ne sont pas des contrefaзons des droits du requйrant et ne sont pas contraires а l’ordre public franзais. Aucune dйcision ne confirme la contrefaзon et, encore une fois, ce sont des jeux gratuits compatibles avec le monopole du requйrant.

- Le dйfendeur reprend point par point le processus des jeux gratuits et les reproches du requйrant pour montrer qu’а aucun moment du processus il n’y a une infraction au principe de la gratuitй.

- Les jeux proposйs par Kingoloto ne sont pas identiques а ceux du requйrant. Par exemple dans le cas d’une grille de nombres il n’y a pas de numйro complйmentaire.

- Kingoloto n’affecte pas la rйputation des jeux du requйrant. C’est si vrai que dans le cadre d’un partenariat promotionnel les usagers de Kingoloto ont pu voir une publicitй pour le requйrant.

- Le requйrant ne mentionne nulle part que le mot “loto” est un mot commun pour dйsigner une loterie. Il ne mentionne pas davantage les dйcisions provisoires de l’INPI rejetant l’opposition aux marques KINGOLOTO.

En conclusion gйnйrale le dйfendeur souhaite que la Commission dйclare que la plainte a йtй formulйe de mauvaise foi et qu’elle constitue un abus de procйdure UDRP.

6. Discussion et conclusions

Le paragraphe 15(a) des Rиgles d’application indique а la Commission administrative les principes de base а utiliser pour se dйterminer а l’occasion d’une plainte : la Commission doit dйcider sur la base des exposйs et documents soumis selon les Principes directeurs et Rиgles d’application ainsi que toutes les rиgles ou principes lйgaux qui lui semblent applicables.

Appliquй а ce cas, le paragraphe 4(a) des Principes directeurs indique que le requйrant doit prouver chacun des points suivants :

(i) Le nom de domaine enregistrй par le dйfendeur est identique ou semblable au point de prкter а confusion avec la marque invoquйe par le requйrant; et

(ii) Le dйfendeur n’a aucun droit sur le nom de domaine enregistrй, ni aucun intйrкt lйgitime qui s’y attache; et

(iii) Le nom de domaine a йtй enregistrй et utilisй de mauvaise foi.

A. Identitй ou similitude prкtant а confusion

Le requйrant invoque l’imitation de ses marques antйrieures par les trois noms de domaine litigieux et plus particuliиrement de la marque LOTO.

La similitude prкtant а confusion doit кtre apprйciйe globalement en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle.

Nous observons, comme d’ailleurs le directeur de l’INPI, que le terme “kingoloto” est apprйhendй comme un tout par le consommateur avec son йlйment d’attaque “kingo”. Rien ne permet d’isoler le mot “loto” au sein de ce nom de domaine alors surtout que le mot “kingo”, qui n’a aucun sens en franзais, apparaоt fortement distinctif par opposition au mot “loto” qui fait partie de la langue franзaise depuis prиs de deux siиcles.

Nous en concluons que l’impression d’ensemble tant visuelle que phonйtique et mкme conceptuelle ne laisse aucune place а une confusion possible entre les mots “loto” et “kingoloto”.

Le dйfendeur invoque la nullitй de la marque LOTO en versant aux dйbats divers Arrкts de la Cour d’appel de Paris et de la Cour de Cassation en relevant que ce dernier arrкt est le dernier en date et confirme un Arrкt de la Cour d’Appel de Paris qui prononce la nullitй de la marque LOTO.

La Commission n’est pas compйtente pour commenter les dйcisions juridictionnelles mais elle peut constater que le mot “loto” est faiblement distinctif et que l’йlйment dominant est le terme “kingo”.

Le requйrant fait valoir que le mot “loto” est notoire en France et que tout le monde connaоt ce mot comme йtant un jeu d’argent auquel on peut jouer notamment dans les “bars tabac”. Comme l’exprime l’INPI dans la procйdure d’opposition, si la notoriйtй de la marque LOTO pour certains services n’est pas contestable, cette circonstance ne saurait suffire а engendrer un risque de confusion tant les diffйrences visuelles et phonйtiques sont importantes.

Finalement la Commission est d’avis qu’il n’y a pas de similitude prкtant а confusion entre la marque LOTO et les trois noms de domaine litigieux.

B. Droits ou lйgitimes intйrкts

Il n’y a pas lieu d’examiner cette question dans la mesure oщ il est йtabli qu’il n’y a pas de similitude prкtant а confusion entre la marque LOTO et les trois noms de domaine litigieux.

C. Enregistrement et usage de mauvaise foi

Il n’y a pas lieu non plus d’examiner cette question pour les raisons exposйes prйcйdemment.

D. Abus de procйdure

Il rйsulte du paragraphe 5(e) des Rиgles d’application que la constatation d’un abus йventuel de procйdure par la formulation par le requйrant de la plainte suppose la dйmonstration de la mauvaise foi au travers des preuves documentaires fournies par les parties et des documents йchangйs, le simple fait que le requйrant ne rйunisse pas les conditions requises par le paragraphe 4(a) des Principes directeurs йtant insuffisant pour caractйriser la mauvaise foi du requйrant PRIMEDIA Special Interest Publications Inc. c. John L. Treadway-Litige OMPI N° D2000-0752; Britannia Building Society c. Britannia Fraud PreventionLitige OMPI N° D2001-0505.

En l’occurrence, la Commission administrative considиre que les preuves rapportйes de cette mauvaise foi allйguйe du demandeur sont insuffisantes. En particulier, la Commission administrative note que la plainte du demandeur a йtй introduite alors que des projets de dйcision de l’INPI relatifs aux oppositions aux marques du dйfendeur n’йtaient encore que provisoires. Un tel йlйment n’est pas suffisant pour caractйriser la mauvaise foi du requйrant, la dйcision dйfinitive de l’INPI n’йtant intervenue qu’aprиs l’introduction de la plainte. De plus, ces dйcisions de l’INPI sont susceptibles d’appel devant les juridictions franзaises.

La Commission administrative estime donc que l’abus de procйdure UDRP n’est pas йtabli.

7. Dйcision

Vu les paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des Rиgles d’application, la Commission administrative dйcide que les noms de domaine <kingoloto.com>, <kingoloto.net> et <kingoloto.org> ne sont ni identiques ni similaires au point de prкter а confusion avec les marques et autres droits du requйrant “La Franзaise des Jeux”.

En consйquence la plainte est rejetйe.

La demande de constatation d’abus de procйdure est йgalement rejetйe.


Jean-Claude Combaldieu
Prйsident de la commission

Martine Dehaut
Expert

Olivier E. Itйanu
Expert

Le 12 avril 2007

 

Источник информации: https://xn--c1ad2agd.xn--p1ai/intlaw/udrp/2007/d2007-0065.html

 

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