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Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI

 

DÉCISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE

Stéphane Boucheré et Immup-Sarl contre European Web Invest

Litige n° D2008-0142

 

1. Les parties

Les requérants sont Stéphane Boucheré et Immup - Sarl, Venelles, France (ci-après “le Requérant”); représenté par Société d’Avocats Avoxa, France.

Le défendeur est European Web Invest, Willmington, Delaware, les Etats-Unis d’Amérique ; représenté par M. Francis Gardencourt, Moscou, Fédération de Russie et M. Laurent Rigaldies, Roubaix, France.

 

2. Nom de domaine et unité d’enregistrement

Le litige concerne le nom de domaine <immup.net>.

L’unité d’enregistrement auprès de laquelle le nom de domaine est enregistré est Wild West Domains, Inc.

 

3. Rappel de la procédure

Une plainte a été déposée par Stéphane Boucheré et Immup- Sarl auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre“) en date du 29 janvier 2008.

En date du 31 janvier 2008, le Centre a adressé une requête à l’unité d’enregistrement du nom de domaine litigieux, Wild West Domains, Inc., aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. L’unité d’enregistrement a confirmé l’ensemble des données du litige en date du 31 janvier 2008.

Le Centre a vérifié que la plainte répond bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs“), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application“), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires“) pour l’application des Principes directeurs précités.

Conformément aux paragraphes 2(a) et 4(a) des Règles d’application, le 7 février 2008, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative a été adressée au défendeur. Conformément au paragraphe 5(a) des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 27 février 2008.

Le Requérant a complété sa plainte par un jeu d’écritures complémentaire le 21 février 2008.

European Web Invest (en la personne de M. Francis Gardencourt) contre qui la plainte était seulement dirigée, ainsi que M. Laurent Rigaldies, intervenant volontaire à la procédure, ont fait parvenir leur réponse commune le 25 février 2008.

Nonobstant la clôture de la procédure écrite, les parties ont continué à échanger des arguments. Notamment, le Requérant a présenté de nouvelles observations en date du 7 mars 2008, auxquelles le Défendeur a répliqué le 14 mars 2008, puis un dernier échange de courriels a encore eu lieu entre les 14 et 17 mars 2008. Ces écritures, présentées en langue française, se rapportent indistinctement à la présente affaire <immup.net>, ainsi qu’à un autre litige impliquant le Requérant et M. Laurent Rigaldies, et relatif à un nom de domaine <immup.com> Stéphane Boucheré et Immup- Sarl contre France Progiciels Distribution, OMPI Litige No. D2008-0141.

En date du 12 mars 2008, le Centre nommait dans le présent litige comme expert unique William Lobelson. La Commission Administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission Administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.

Compte-tenu de la complexité de l’affaire, de son interdépendance avec un autre litige relatif à un nom de domaine proche <immup.com> (mentionné ci-dessus), de la densité des pièces produites et du manque de clarté des faits présentés par les parties, la Commission Administrative s’est vue contrainte de prolonger le délai qui lui était fixé pour rendre sa décision, jusqu’au 18 avril 2008.

Langue de la procédure

Le paragraphe 11(a) des Règles d’application prévoit que, sauf convention contraire, la langue de la procédure entre les parties est celle du contrat d’enregistrement. Toutefois, la Commission Administrative peut décider qu’il en sera autrement, compte tenu des circonstances de la procédure administrative.

En l’espèce, l’unité d’enregistrement auprès de laquelle le Nom de Domaine a été enregistré a informé le Centre que la langue du contrat d’enregistrement était l’anglais.

Les parties ont pourtant présenté des arguments et des pièces en anglais pour certains, en français pour d’autres.

De toute évidence les parties maîtrisent la langue française, beaucoup moins la langue anglaise. Le Requérant et l’un des représentants du Défendeur au moins sont français. Les sites web des parties sont rédigés en français et ciblent à l’évidence un public francophone. Les pièces les plus pertinentes invoquées par les parties sont rédigées en langue française.

Ainsi, dans un souci de bonne administration de la présente affaire et au vu des circonstances du cas d’espèce, la Commission Administrative décide que la langue de la procédure administrative est le français.

 

4. Les faits

Le nom de domaine contesté est <immup.net> : il a été enregistré en date du 2 septembre 2005 et est la propriété de la société organisée selon les lois de l’Etat du Delaware European Web Invest.

M. Boucheré est titulaire de la marque française IMMUP déposée en Décembre 2003 et enregistrée en Juin 2004. La marque IMMUP est enregistrée en France auprès de l’INPI sous le No. 03 3 265 329 en date du 23 décembre 2003, en relation avec les services suivants : Gestion de fichier informatique, publicité en ligne, diffusion d’annonces publicitaires. Estimations immobilières, gérance de biens immobiliers. – conception et développement de logiciels. Location de logiciels. Conversion de documents d’un support physique vers un support électronique. Entreposage de support de données ou de documents stockés électroniquement. Cette marque est utilisée exclusivement par la société Immup. Elle existe sous cette raison sociale depuis le 11 janvier 2001.

Le Requérant exploite la marque IMMUP notamment à titre de nom de domaine <immup.fr> en relation avec des services destinés aux professionnels de l’immobilier, ayant pour objet de permettre à ces derniers de cibler leur prospection commerciale en accédant à une base de données d’annonces immobilières.

Le Requérant et l’un des représentants du Défendeur ont été tous deux impliqués dans une procédure judiciaire relative non pas au nom de domaine contesté dans le cadre de la présente procédure, mais à un nom de domaine proche, à savoir <immup.com>.

Le Requérant avait ainsi assigné en date du 11 avril 2005 en référé devant le Tribunal de Grande Instance d’Aix en Provence une société Data Today Immobooster ainsi que M. Laurent Rigaldies, dans le but d’obtenir la cessation de l’exploitation et la radiation d’un nom de domaine <immup.com>. Selon l’ordonnance rendue par le Tribunal 17 mai 2005, ce nom de domaine était à cette époque exploité par la société Data Today Immobooster en relation avec un service de diffusion d’annonces immobilières concurrent de celui du Requérant. Le Tribunal avait alors considéré qu’un risque de confusion était susceptible, préjudiciable aux intérêts du Requérant, et avait ordonné à la société Data Today Immobooster, à laquelle il était clairement reproché des actes de concurrence déloyale selon les termes mêmes de l’ordonnance, de cesser l’exploitation du nom de domaine <immup.com>. M. Laurent Rigaldies, en sa seule qualité de contact technique du nom de domaine incriminé était mis hors de cause, le Tribunal constatant : “… il n’est nullement établi que Laurent Rigaldies exploite de quelque manière que ce soit ladite marque “immup“. Son nom apparaît sur le site “Whois“ en qualité de contact technique sans qu’il soit précisé pour le compte de qui il travaille“. Selon les pièces produites, il apparaît que le nom de domaine contesté était la propriété de M. Laurent Rigaldies à la date du 8 octobre 2004, qui l’a transféré à une société France Progiciels Distribution, dont il est gérant, à la date du 16 avril 2005.

Le Requérant fait la démonstration, par un faisceau d’indices concordants, de l’existence de liens entre la société Data Today Immobooster et M. Laurent Rigaldies, impliqués dans l’affaire précitée, et l’entité European Web Invest, ce que le Défendeur confirme et revendique dans ses écritures du 14 mars 2008.

Selon un constat dressé par un agent assermenté de l’Agence pour la Protection des Programmes (APP) en date du 28 novembre 2007, le nom de domaine contesté <immup.net> pointe vers le site web actif de la société European Web Invest et sur lequel est proposé un service de création automatique de pages web pour la mise en ligne d’annonces immobilières.

Enfin M. Rigaldies, justifie avoir fait enregistrer en France en date du 7 juillet 2005 sous le No. 05 3 369 285 la marque IMMUP pour désigner les produits et services suivants : Appareils pour l’enregistrement, la transmission, la reproduction ou le traitement du son ou des images ; supports d’enregistrement magnétiques, disques acoustiques ou optiques ; disquette souples ; distributeurs automatiques et mécanismes pour appareils à pré-paiement ; caisses enregistreuses, machines à calculer, équipement pour le traitement de l’information et les ordinateurs ; logiciels de jeux ; logiciels (programmes enregistrés) ; périphériques d’ordinateurs ; détecteurs ; fils électriques ; relais électriques ; appareils pour le diagnostic non à usage médical ; cartes à mémoire ou à microprocesseur. Télécommunications. Informations en matière de télécommunications. Communications par terminaux d’ordinateurs ou par réseau de fibres optiques. Communications radiophoniques ou téléphoniques. Services de radiotéléphonie mobile. Fourniture d’accès à un réseau informatique mondial. Services d’affichage électronique (télécommunications). Raccordement par télécommunications à un réseau informatique mondial. Agences de presse ou d’informations (nouvelles). Location d’appareil de télécommunication. Emissions radiophoniques ou télévisées. Services de téléconférences. Services de messagerie électronique. Éducation ; formation ; divertissement ; activités sportives et culturelles. Informations en matière de divertissement ou d’éducation. Services de loisir. Publication de livres. Prêts de livres. Dressage d’animaux. Production de films sur bandes vidéo. Location de films cinématographiques. Location d’enregistrements sonores. Location de magnétoscopes ou de postes de radio et de télévision. Location de décors de spectacles. Montage de bandes vidéo. Services de photographie. Organisation de concours (éducation ou divertissement). Organisation et conduite de colloques, conférences ou congrès. Organisation d’expositions à buts culturels ou éducatifs. Réservation de places de spectacles. Services de jeux proposés en ligne (à partir d’un réseau informatique). Service de jeux d’argent. Publication électronique de livres et de périodiques en ligne. Micro-édition.

 

5. Argumentation des parties

Bien qu’une partie des écritures des parties a été présentée hors délai, c’est-à-dire après la clôture de la procédure écrite, la Commission Administrative, en application des dispositions du paragraphe 10 b) des Règles d’application estime devoir tenir compte de tous les arguments et de toutes les pièces présentées par les parties, celles-ci contribuant à une meilleure compréhension du cas d’espèce.

La Commission Administrative toutefois est libre d’apprécier la pertinence des différents arguments présentés par les parties, et se réserve donc la possibilité d’écarter de la présente discussion les affirmations et pièces des parties qu’elle juge dénuées d’intérêt pour l’appréciation des conditions posées aux paragraphes 4(a)(i), (ii) et (iii) des Principes directeurs, en vertu des dispositions du paragraphe 10 d) des Règles d’application.

A. Requérant

Le Requérant invoque à l’appui de la présente procédure les droits attachés à sa raison sociale “Immup” depuis la date de constitution de la société, soit le 11 janvier 2001 d’une part et à sa marque enregistrée IMMUP No. 03 3 265 329 du 23 décembre 2003 d’autre part.

Il fait valoir que le nom de domaine contesté <immup.net>, enregistré le 2 septembre 2005, reprend à l’identique sa raison sociale et sa marque.

Le Requérant énonce l’absence d’intérêt légitime du Défendeur dans le nom de domaine, en rappelant qu’il ne lui est pas lié et qu’aucune autorisation d’exploitation du nom IMMUP n’a été consentie.

Le Requérant estime que le nom de domaine <immup.net> contesté a été enregistré et est exploité en toute mauvaise foi, c’est-à-dire notamment en connaissance de ses droits antérieurs et de la décision rendue par le Président du Tribunal de Grande Instance d’Aix en Provence statuant en référé le 17 mai 2005 au sujet du nom de domaine <immup.com>, et dans le seul but d’interférer avec sa propre exploitation du nom “Immup”, le nom de domaine contesté étant en effet dirigé vers un site web actif dans lequel sont proposés des produits et services que le Requérant juge concurrents des siens et de ceux visés dans son dépôt de la marque IMMUP.

Il appuie notamment sa démonstration par la production d’une lettre d’un cabinet immobilier Haguenau datée du 4 février 2008 justifiant d’une confusion effective entre le Requérant et le Défendeur.

Le Requérant reproche encore au Défendeur diverses manœuvres douteuses, dont notamment la constitution d’une association European Web Invest en France, destinée selon lui à légitimer a posteriori l’exploitation du nom de domaine incriminé alors que ce dernier est enregistré au nom d’une entité américaine European Web Invest qui selon lui n’a aucune existence légale.

B. Défendeur

Le Défendeur réplique en faisant valoir sa bonne foi puis en reprochant au Requérant des manœuvres destinées à le nuire.

M. Rigaldies rappelle que l’ordonnance du Tribunal d’Aix-en-Provence a clairement énoncé sa mise hors de cause et qu’en tout état de cause cette décision de justice ne concerne ni European Web Invest ni le nom de domaine <immup.net>.

Il invoque son enregistrement de la marque IMMUP et affirme exploiter le nom de domaine <immup.net> en toute bonne foi en relation avec les produits et services visés dans ladite marque, lesquels selon lui ne sont pas concurrents des activités du Requérant et ne visent pas la même clientèle.

Il insiste sur l’absence de risque de confusion ou de rapprochement entre les sites web des deux parties, du fait de leurs chartes graphiques respectives qu’il juge différentes.

Le Défendeur fait encore valoir que ses activités ne sont pas concurrentes de celles du Requérant dans la mesure où celui-ci propose des services destinés aux professionnels de l’immobilier tandis que le site web “www.immup.net“ vise les particuliers désireux de publier en ligne une annonce immobilière.

Le Défendeur affirme avoir débuté l’exploitation du nom “Immup“ à partir de 1999 dans le cadre du développement d’un logiciel, au terme d’une convention de partenariat signée le 19 avril 1999 entre une société Soetec et la société France Progiciels Distribution dont M. Rigaldies est gérant, European Web Invest étant chargée de la distribution dudit logiciel depuis 2005.

Le Défendeur indique n’avoir jamais cherché à interférer avec les activités du Requérant ni lui avoir jamais proposé de lui vendre le nom de domaine contesté.

Ils reprochent au Requérant sa tentative de recapture illicite du nom de domaine, lui contestent l’acquisition récente de nouveaux noms domaine formés du nom “Immup“ sous les extensions “.biz“, “.info“, “.mobi“ et “.org“ et affirment que le Requérant aurait piraté leurs propres bases de données.

Le Défendeur soutient encore que le Requérant exploite sa marque et ses noms de domaine en relation avec une activité concurrente de celle du Défendeur, en violation des droits de marque de M. Rigaldies.

Ils mettent enfin en doute l’authenticité de la lettre du 4 février 2008 du cabinet immobilier Haguenau produite par le Requérant.

 

6. Discussion et conclusions

A. Identité ou similitude prêtant à confusion

Le nom de domaine contesté est <immup.net>.

Le nom sur lequel le Requérant justifie de droits de marque antérieurs est IMMUP.

A l’évidence, le nom de domaine incriminé reprend à l’identique la marque du Requérant, l’adjonction du suffixe technique “.net“ étant inopérante en ce qu’elle ne permet pas de conjurer le risque de confusion ou de rapprochement entre le nom de domaine contesté et la marque du Requérant : Magnum Piering, Inc. v. The Mudjackers and Garwood S. Wilson, Sr., Litige OMPI No. D2005-1525; Phenomedia AG v. Meta Verzeichnis Com, Litige OMPI No. D2001-0374.

La Commission Administrative conclut que les conditions posées au paragraphe 4(a)(i) des Principes directeurs sont satisfaites.

B. Droits ou légitimes intérêts

En réponse aux allégations du Requérant selon lesquelles il ne détiendrait aucun droit ni intérêt légitime dans le nom de domaine, le Défendeur fait valoir qu’il possède une marque enregistrée “Immup“ et que le nom de domaine contesté <immup.net> est exploité en relation avec les produits et services visés dans cet enregistrement (1), et que son exploitation du nom “Immup“ a en vérité débuté dès 1999, soit antérieurement à la prise de droits du Requérant dans ce même nom (2).

1.–

Laurent Rigaldies justifie en effet détenir un enregistrement de marque française en date du 7 juillet 2005 et portant sur le nom “Immup“, pour désigner divers produits et services à savoir : Appareils pour l’enregistrement, la transmission, la reproduction ou le traitement du son ou des images ; supports d’enregistrement magnétiques, disques acoustiques ou optiques ; disquette souples ; distributeurs automatiques et mécanismes pour appareils à pré-paiement ; caisses enregistreuses, machines à calculer, équipement pour le traitement de l’information et les ordinateurs ; logiciels de jeux ; logiciels (programmes enregistrés) ; périphériques d’ordinateurs ; détecteurs ; fils électriques ; relais électriques ; appareils pour le diagnostic non à usage médical ; cartes à mémoire ou à microprocesseur. Télécommunications. Informations en matière de télécommunications. Communications par terminaux d’ordinateurs ou par réseau de fibres optiques. Communications radiophoniques ou téléphoniques. Services de radiotéléphonie mobile. Fourniture d’accès à un réseau informatique mondial. Services d’affichage électronique (télécommunications). Raccordement par télécommunications à un réseau informatique mondial. Agences de presse ou d’informations (nouvelles). Location d’appareil de télécommunication. Emissions radiophoniques ou télévisées. Services de téléconférences. Services de messagerie électronique. Éducation ; formation ; divertissement ; activités sportives et culturelles. Informations en matière de divertissement ou d’éducation. Services de loisir. Publication de livres. Prêts de livres. Dressage d’animaux. Production de films sur bandes vidéo. Location de films cinématographiques. Location d’enregistrements sonores. Location de magnétoscopes ou de postes de radio et de télévision. Location de décors de spectacles. Montage de bandes vidéo. Services de photographie. Organisation de concours (éducation ou divertissement). Organisation et conduite de colloques, conférences ou congrès. Organisation d’expositions à buts culturels ou éducatifs. Réservation de places de spectacles. Services de jeux proposés en ligne (à partir d’un réseau informatique). Service de jeux d’argent. Publication électronique de livres et de périodiques en ligne. Micro-édition.

1.1.–

La Commission Administrative observe toutefois que cette marque est enregistrée au seul nom de M. Rigaldies, alors que la plainte du Requérant est dirigée à l’origine contre la société américaine European Web Invest en sa qualité de titulaire du nom de domaine incriminé.

Aucune des pièces produites aux débats ne permettent d’établir de lien juridique ou capitalistique entre cette société European Web Invest et M. Rigaldies – qui n’indique pas en être mandataire social ou actionnaire – ni ne démontrent que la société European Web Invest bénéficierait d’une licence d’exploitation de la marque “Immup“ qui lui aurait été consentie par M. Rigaldies.

M. Rigaldies, bien qu’indirectement mis en cause par le Requérant dans sa plainte, est intervenu volontairement dans la présente procédure en se présentant lui-même comme co-défendeur, pour invoquer comme élément justificatif d’un droit ou intérêt légitime dans le nom de domaine contesté sa marque enregistrée. Or M. Rigaldies n’est pas le titulaire du nom de domaine contesté.

Le titulaire du nom de domaine contesté, la société américaine European Web Invest, contre laquelle la plainte du Requérant est initialement dirigée, ne justifie donc d’aucun droit dans la marque française “Immup”.

Celle-ci ne peut donc constituer au profit du titulaire du nom de domaine <immup.net> un intérêt légitime ou un droit dans celui-ci.

1.2.–

Au surplus, le nom de domaine incriminé est exploité en relation avec un service de création automatique de pages web pour la mise en ligne d’annonces immobilières : or la marque enregistrée “Immup“ dont se prévaloit le Défendeur ne désigne pas de tels services. La seule désignation des “logiciels“ ou des “services de télécommunications“ dans la marque, qui justifierait selon le Défendeur sa détention du nom de domaine contesté, n’apparait pas concluante à la Commission Administrative. Bien que le module de création de pages web suppose très probablement la mise en œuvre d’un logiciel au moyen d’un accès par Internet, ce programme n’est pas diffusé auprès du public en tant que tel.

Le Défendeur n’exerce pas sous le nom de domaine incriminé les activités d’éditeurs de logiciels ni de fournisseurs de télécommunications.

Ils proposent en vérité un service de publicité immobilière.

La marque sur laquelle se fonde le Défendeur ne désignant par les services en relation lesquels il l’exploite réellement ne saurait donc constituer un fait justificatif d’un intérêt légitime ou d’un droit dans le nom de domaine contesté.

1.3.–

Enfin, la Commission Administrative observe non seulement que cet enregistrement de marque est postérieur à la marque déposée du Requérant du 23 décembre 2003, mais encore qu’il a été déposé le 7 juillet 2005, soit après qu’a été rendue l’ordonnance de référé du TGI d’Aix-en-Provence du 17 mai 2005 selon laquelle l’exploitation du nom “Immup“ en relation avec un service d’annonces immobilières porte atteinte aux droits du Requérant, et dont M. Rigaldies ne peut nier avoir eu connaissance.

Les considérations qui ont présidé au dépôt du Défendeur de la marque “Immup“ apparaissent donc particulièrement suspectes, de sorte que la Commission Administrative ne saurait se fonder sur cette marque pour justifier d’un intérêt légitime ou d’un droit dans le nom de domaine incriminé.

2.-

L’exploitation du nom “Immup“ aurait débuté dès 1999; le Défendeur en justifie en produisant aux débats un contrat entre une société Soetec et la société France Progiciels Distribution (dont M. Rigaldies est gérant), daté du 19 avril 1999, un relevé bancaire daté du 30 décembre 1999 et la copie d’une facture d’un imprimeur datée du 28 avril 2000.

Compte-tenu du contexte de la présente affaire – caractérisée par une certaine confusion dans les arguments exposés à la Commission Administrative, le manque de pertinence de nombre de pièces produites, et de nombreuses approximations et contradictions dans les affirmations des deux parties – et de l’historique des relations entre les parties, les éléments susceptibles de justifier d’un intérêt légitime du Défendeur dans le nom de domaine litigieux doivent faire l’objet d’une attention particulière de façon à pouvoir apprécier leur force probante.

Le Défendeur, en particulier M. Rigaldies, affirme avoir développé un logiciel baptisé “Immup“ à la demande d’une société Soetec, et ce dès 1999, soit antérieurement à toute prise de droit du Requérant dans le nom “Immup“.

Il doit être rappelé à toutes fins utiles que selon le Droit Français, auquel la Commission Administrative estime devoir se référer au vu des facteurs de rattachement du cas d’espèce (le Requérant et au moins l’un des représentants du Défendeur sont français, leurs sites web respectifs sont rédigés en français et ciblent visiblement le marché français, et les droits invoqués sont protégés en France), l’usage d’une marque ne confère aucun droit à défaut d’enregistrement.

La chronologie des faits révèle que le Requérant détient l’antériorité des droits sur le nom “Immup“ au titre de sa raison sociale et de sa marque.

La mission de la Commission Administrative reste toutefois cantonnée dans le cadre de la présente espèce à vérifier si l’usage antérieur du nom “Immup“ dont le Défendeur se prévaloit est de nature à lui conférer un intérêt légitime dans le nom de domaine incriminé <immup.net>.

Les paragraphes 4(c)(i) et (ii) des Principes directeurs énoncent en effet parmi les motifs justificatifs d’un intérêt légitime le fait d’avoir utilisé le nom de domaine ou un nom correspondant au nom de domaine en relation avec une offre de bonne foi de produits ou de services, ou engagé des préparatifs sérieux à cet effet, avant d’avoir eu connaissance du litige, ainsi que le fait d’être connu sous le nom de domaine considéré, même sans avoir acquis de droits sur une marque de produits ou de services.

Le Requérant a exprimé ses doutes quant à l’authenticité des documents produits par le Défendeur, en particulier le contrat signé avec la société Soetec, relevant certaines incohérences auxquelles le Défendeur n’a apporté aucune explication convaincante.

La Commission Administrative prend note des observations du Requérant, mais estime qu’il n’entre pas dans le cadre de ses compétences de se prononcer sur l’authenticité du document.

Pour autant, la Commission Administrative estime que ledit contrat, pas plus que le relevé bancaire ni la facture de l’imprimeur supposés établir la réalité de la relation contractuelle entre le Défendeur et la société Soetec, ne sont de nature à justifier un intérêt légitime dans le nom domaine.

Force est en effet de constater que ledit contrat ne lie le Défendeur à la présente affaire: ni European Web Invest, ni M. Gardencourt, ni M. Laurent Rigaldies (en son nom personnel) n’en sont signataires.

Certes, M. Rigaldies est signataire au contrat, mais en qualité seulement de gérant d’une société France Progiciels Distribution qui n’est pas partie à la présente procédure.

Le Défendeur affirme dans ses écritures du 14 mars 2008 que les droits sur le logiciel ont été transmis à European Web Invest par France Progiciels Distribution, mais n’en justifie à aucun moment.

En tout état de cause, ledit contrat démontre simplement que la société France Progiciels Distribution aurait été mandatée en 1999 pour développer un logiciel sous le nom “Immup“, étant toutefois observé que le titre de l’article 2 du contrat fait curieusement référence à un logiciel “Pigematic“.

Le relevé bancaire produit par le Défendeur, et supposé corroborer la réalité dudit contrat, ne contient aucune référence au logiciel “Immup“ ni à la société “Soetec“ et ne justifie donc pas du paiement par Soetec à France Progiciels du prix prévu au contrat. Si l’on retrouve bien dans le relevé une écriture d’un montant de 2219,40 F, identique à la somme prévue au contrat, force est de constater que cette somme a été débitée du compte bancaire de France Progiciels, et non créditée sur celui-ci.

La facture de l’imprimeur, censée selon le Défendeur justifier de la réalité de l’exploitation du logiciel évoqué au contrat, se rapporte selon son libellé même à des travaux de réalisation de documents (plaquettes et lettres) relatifs à “PackProspect“. Ce document n’établit donc nullement l’exploitation du nom “Immup“.

Pareilles incohérences ne peuvent que faire douter la Commission Administrative de l’existence d’un intérêt légitime du Défendeur dans le nom de domaine.

Les différents documents produits n’apparaissent pas à la Commission Administrative de nature à apporter une preuve de l’exploitation réelle et de bonne foi du nom “Immup“ par le Défendeur, ni que ce dernier était connu sous ce nom pendant la période pertinente à prendre en compte.

La Commission Administrative considère en définitive que le Défendeur n’a pas rapporté la preuve de son droit ou intérêt légitime dans le nom de domaine et

conclut que les conditions posées au paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs sont satisfaites.

C. Enregistrement et usage de mauvaise foi

1. Enregistrement de mauvaise foi

La Commission Administrative est d’avis que les conditions dans lesquelles le nom de domaine a été enregistré le 2 septembre 2005 sont de nature à laisser penser que cet enregistrement n’a pas été effectué de bonne foi.

1.1.-

Il est important de se replacer dans le contexte de l’époque.

Il a été jugé par le Tribunal de Grande Instance d’Aix-en-Provence en date du 17 mai 2005 que l’exploitation du nom “Immup“, sous la forme du nom du domaine <immup.com>, par une société Data Today Immobooster, portait atteinte aux droits du Requérant. Il avait alors été fait injonction à cette dernière d’en cesser l’exploitation et de procéder à sa radiation.

M. Laurent Rigaldies, aujourd’hui se présentant comme co-défendeur dans le cadre de la présente procédure, était, selon les termes de l’ordonnance du Tribunal, le contact technique du nom de domaine <immup.com> faisant l’objet du litige soumis au Tribunal de Grande Instance d’Aix-en-Provence.

M. Rigaldies était partie à cette procédure devant le Tribunal, et même s’il a été jugé à l’époque qu’aucun fait d’exploitation du nom “Immup” ne pouvait lui être directement reproché, il n’est pas discuté que M. Rigaldies a eu connaissance de la décision du Tribunal ordonnant la cessation de l’exploitation du nom “Immup“ et la radiation du nom de domaine “<immup.com>“.

La Commission Administrative constate que le nom de domaine présentement contesté <immup.net> a été enregistré le 2 septembre 2005, soit après qu’a été rendue l’ordonnance de référé du Tribunal de Grande Instance d’Aix-en-Provence du 17 mai 2005, selon laquelle l’exploitation du nom “Immup“ sous la forme du nom de domaine <immup .com> en relation avec un service d’annonces immobilières constitue un acte de concurrence déloyale au détriment du Requérant.

Or le Défendeur ne pouvait ignorer la teneur de cette décision à la date de l’enregistrement du nom de domaine incriminé <immup.net>: M. Laurent Rigaldies était partie à cette procédure, avec une société Data Today; la société European Web Invest, le Défendeur dans le présente espèce, affirme dans ses propres écritures du 14 mars 2008 qu’elle est venue aux droits de la société Data Today pour l’exploitation du nom “Immup“ et qu’elle utilise celui-ci depuis 2005 en relation avec un service de publicité de petites annonces immobilières.

Il apparaît dès lors manifeste que M. Rigaldies, sous couvert de la société European Web Invest, a cherché à poursuivre l’exploitation du nom “Immup“ en dépit de l’ordonnance de référé rendue en faveur du Requérant; il a pour cela déposé une marque “Immup“ en France en son nom propre et fait enregistrer le nom de domaine <immup.net> en date du 2 septembre 2005 par la société European Web Invest.

1.2.-

La Commission administrative relève encore qu’il existe un doute sérieux sur l’existence légale et réelle du titulaire du nom de domaine, à savoir la société américaine European Web Invest, prétendument organisée selon les lois de l’Etat du Delaware.

En réponse aux allégations du Requérant selon laquelle cette entité est fictive, corroborées par un document émanant du Secretary of State of the State of Delaware confirmant qu’aucune entité dénommée European Web Invest n’est répertoriée au Registre des Sociétés de cet Etat, le Défendeur indique qu’il existerait plusieurs entités European Web Invest dans divers pays, que celle immatriculée au Delaware a été radiée, mais qu’il existe bien une association à but non lucratif European Web Invest, régie par la loi française, et dont M. Rigaldies est président.

Une telle confusion dans les explications du Défendeur, qui ne conteste pas d’ailleurs que le titulaire du nom de domaine incriminé tel qu’identifié dans la base de données WHOIS n’existe pas, ne peut que renforcer les doutes de la Commission Administrative sur la sincérité de sa démarche.

La Commission Administrative considère dans ce contexte que l’enregistrement du nom de domaine par le Défendeur est empreint de mauvaise foi.

2. Usage de mauvaise foi

La Commission Administrative estime également que l’usage du nom de domaine est entaché de mauvaise foi.

Comme indiqué ci-dessus, le Défendeur ne peut nier avoir eu connaissance de la décision du Tribunal de Grande Instance du 17 mai 2005 selon laquelle l’usage du nom “Immup“ en relation avec un service de publication d’annonces immobilières porte atteinte aux droits du Requérant.

Or le Défendeur exploite bien le nom “Immup“, sous la forme du nom de domaine contesté <immup.net>, en relation avec un service de création automatique de pages web pour la mise en ligne d’annonces immobilières.

Il s’agit là non seulement d’une activité analogue à celle condamnée par le Tribunal, mais également de services étroitement similaires à ceux proposés par le Requérant sous la marque IMMUP, à savoir la mise à disposition d’une base de données d’annonces immobilières destinée aux professionnels de l’immobilier, ayant pour objet de leur permettre de cibler leur prospection commerciale.

Le Défendeur affirme toutefois que son exploitation du nom de domaine contesté se rapporte à une activité non concurrente de celle du Requérant, en ce qu’elle vise les particuliers et non les professionnels.

La Commission Administrative relève au passage une certaine contradiction entre cette affirmation du Défendeur, et ses accusations selon lesquelles le Requérant exploiterait le nom “Immup“ en violation des droits de marque de M. Rigaldies (selon écritures du 27 février 2008).

Quoi qu’il en soit, la Commission Administrative constate que rien n’indique dans les pages web du site “www.immup.net“ que celui-ci est exclusivement réservé aux particuliers et estime en tout état de cause que les parties exercent bien toutes deux dans le domaine de la publicité immobilière et sous la même marque, ce qui ne peut qu’engendrer un risque de confusion ou de rapprochement entre leurs activités respectives.

La lettre de réclamation émanant d’un cabinet immobilier Hagueneau adressée au Requérant, dont rien ne permet d’ailleurs d’affirmer qu’il s’agit d’un document falsifié contrairement aux allégations du Défendeur, illustre la réalité de ce risque.

Le Défendeur dirige donc le nom de domaine contesté, dont il a été établi qu’il est identique à la marque du Requérant, vers une offre de services similaire à la sienne.

Un tel détournement du nom de domaine disputé révèle une volonté d’interférer avec l’activité économique du Requérant et procède ainsi manifestement d’une intention de mauvaise foi.

Le nom de domaine contesté est ainsi exploité de mauvaise foi.

La Commission Administrative conclut que les conditions posées au paragraphe 4(a)(iii) des Principes directeurs sont satisfaites.

Par voie de conséquence les allégations du Défendeur selon lesquelles le Requérant tente de recapturer de façon illicite le nom de domaine litigieux sont jugées sans fondement.

 

7. Décision

Au vu de l’analyse des faits et de l’examen des pièces et arguments des parties, la Commission Administrative estime que les conditions posées aux paragraphes 4(a)(i), (ii) et (iii) des Principes directeurs sont satisfaites, à savoir que le nom de domaine contesté est susceptible de prêter à confusion avec la marque sur laquelle le Requérant détient des droits, que le Défendeur ne justifie pas de droit ou intérêt légitime dans le nom de domaine contesté et que celui-ci a été enregistré et utilisé de mauvaise foi.

En conséquence, et conformément aux paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles d’application, la Commission Administrative ordonne le transfert du nom de domaine <immup.net> au profit du Requérant.


William Lobelson
Expert Unique

Date : Le 18 avril 2008

 

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