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Centre d’arbitrage et de mйdiation de l’OMPI
DЙCISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE
Commune municipale de Miиge contre Antoine Berner
Litige n° D2008-0369
1. Les parties
Le Requйrant est la Commune municipale de Miиge, Suisse, reprйsentй par Me Jean-Claude Vocat, Suisse.
Le Dйfendeur est Antoine Berner, Les Vieux-Prйs, Suisse.
2. Nom de domaine et unitй d’enregistrement
Le litige concerne le nom de domaine <miege.net> (ci-aprиs dйsignй le “Nom de Domaine”).
L’unitй d’enregistrement auprиs de laquelle le nom de domaine est enregistrй est GoDaddy.com, Inc.
3. Rappel de la procйdure
Une plainte a йtй dйposйe par la Commune de Miиge contre Domains by Proxy Inc. auprиs du Centre d’arbitrage et de mйdiation de l’Organisation Mondiale de la Propriйtй Intellectuelle (ci-aprиs dйsignй le “Centre”) en date du 7 mars 2008.
En date du 10 mars 2008, le Centre a adressй une requкte а l’unitй d’enregistrement du Nom de Domaine, GoDaddy.com, Inc., aux fins de vйrification des йlйments du litige, tels que communiquйs par le Requйrant. L’unitй d’enregistrement a confirmй les donnйes du litige en date du 11 mars 2008, sous rйserve de l’identitй du Dйfendeur, ce dernier n’йtant pas Domains by Proxy Inc., mais M. Antoine Berner (qui a toutefois contestй sa qualitй de titulaire du Nom de Domaine; а ce propos, voir les dйveloppements figurant а la fin du prйsent paragraphe 3).
Le Centre a invitй le Requйrant а amender sa plainte concernant la dйsignation du Dйfendeur. Une plainte modifiйe a йtй dйposйe par le Requйrant le 20 mars 2008.
Le Centre a vйrifiй que la plainte modifiйe rйpond bien aux Principes directeurs rйgissant le Rиglement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-aprиs dйnommйs “Principes directeurs”), aux Rиgles d’application des Principes directeurs (ci-aprиs dйnommйes les “Rиgles d’application”), et aux Rиgles supplйmentaires de l’OMPI (ci-aprиs dйnommйes les “Rиgles supplйmentaires”) pour l’application des Principes directeurs prйcitйs.
Conformйment aux paragraphes 2(a) et 4(a) des Rиgles d’application, le 1er avril 2008, une notification de la plainte modifiйe valant ouverture de la prйsente procйdure administrative, a йtй adressйe au Dйfendeur. Conformйment au paragraphe 5(a) des Rиgles d’application, le dernier dйlai pour faire parvenir une rйponse йtait le 21 avril 2008. Le Dйfendeur a fait parvenir sa rйponse le 19 avril 2008.
En date du 30 avril 2008, le Centre nommait dans le prйsent litige comme expert unique Jacques de Werra. La Commission administrative constate qu’elle a йtй constituйe conformйment aux Principes directeurs et aux Rиgles d’application. La Commission administrative a adressй au Centre une dйclaration d’acceptation et une dйclaration d’impartialitй et d’indйpendance, conformйment au paragraphe 7 des Rиgles d’application.
Par diffйrents courriers йlectroniques adressйs au Centre, le Dйfendeur a contestй кtre titulaire du Nom de Domaine, dйclarant que le Nom de Domaine aurait йtй acquis par un tiers (soit M. Thomas Kaenzig) en juillet 2007. Le tiers concernй s’est d’ailleurs йgalement manifestй directement auprиs du Centre pour faire constater sa lйgitimation sur le Nom de Domaine, fondйe sur cette acquisition prйtendue du Nom de Domaine auprиs de l’unitй d’enregistrement.
Toutefois, selon les informations obtenues par le Centre auprиs de l’unitй d’enregistrement du Nom de Domaine, il a йtй confirmй que le Nom de Domaine est enregistrй au nom du Dйfendeur dйsignй dans la prйsente procйdure, et que le Nom de Domaine n’est pas enregistrй au nom d’un tiers (notamment M. Thomas Kaenzig). Dans ces circonstances, la Commission administrative estime que la prйsente procйdure doit кtre dirigйe contre le Dйfendeur, qui est enregistrй auprиs de l’unitй d’enregistrement comme titulaire du Nom de Domaine, а l’exclusion de tout tiers (notamment M. Thomas Kaenzig). La Commission administrative note au demeurant que le Dйfendeur, nonobstant la contestation de sa titularitй sur le Nom de Domaine a rйpondu а la plainte modifiйe dйposйe par le Requйrant et qu’il entretient visiblement des liens avec le tiers acquйreur supposй du Nom de Domaine (soit M. Thomas Kaenzig), comme cela est confirmй dans sa rйponse du 19 avril 2008 (le courrier йlectronique accompagnant le dйpфt de la rйponse йtant en effet signй conjointement par le Dйfendeur et par M. Thomas Kaenzig).
4. Les faits
Le Requйrant est une collectivitй publique en Suisse, soit une commune situйe dans le canton du Valais. Il est titulaire des sites Internet <miege.ch> et <miиge.ch> dont le premier est exploitй au moins depuis novembre 2001, et qui comporte des informations sur le Requйrant et sur les activitйs ayant lieu dans la commune du Requйrant.
Le Nom de Domaine a йtй enregistrй par le Dйfendeur en date du 7 dйcembre 2002. Il est utilisй par un groupe de personnes appartenant au mouvement des raлliens comme plate-forme d’informations relatives notamment а certains йvйnements s’йtant produits а Miиge а propos de la communautй raлlienne qui est prйsente dans ce village. Il comporte l’indication suivante sur la page d’accueil du site Internet auquel il est associй : “site officiel de la rйsistance а la pensйe dominante...ou le site non officiel du petit village de Miиge en Valais (Suisse)”.
5. Argumentation des parties
A. Requйrant
Le Requйrant soutient en premier lieu que le Nom de Domaine est absolument identique а son nom officiel. Il considиre que l’usage de son nom pour dйsigner le site en question porte atteinte а ses intйrкts puisque cette appropriation entraоne un risque important de confusion ou de tromperie en donnant l’impression aux utilisateurs qui se connectent au Nom de Domaine qu’ils accиdent а un site officiel d’une collectivitй publique et que les informations qu’ils y trouveront ont йtй agrййes par le Requйrant. Les utilisateurs ne trouvent ainsi pas, sur le site en question, les informations et services usuels qu’ils sont en droit d’attendre d’une collectivitй publique.
Le Requйrant argumente ensuite que le Dйfendeur n’a aucun droit ni aucun intйrкt lйgitime sur le Nom de Domaine, car le site querellй appartient aux adeptes du mouvement raлlien qui y propagent leurs idйes par ce biais et que le chef de ce groupuscule, connu sous le nom de Raлl, n’a aucun lien avec la commune du Requйrant. Il n’y est ainsi pas domiciliй, n’y a pas de famille et n’y a jamais rйsidй durant une longue pйriode. Seuls quelques adeptes, une dizaine de membres tout au plus, y rйsident. Ce mouvement n’a dиs lors aucun intйrкt lйgitime а utiliser le nom de cette collectivitй publique pour dйsigner son site, si ce n’est pour tenter de tromper le public en donnant а son site un caractиre d’officialitй forcйment trompeur. Les adeptes de ce mouvement essaient par ce biais de faire croire que les idйes exposйes sur leur site reprйsentent des idйes largement admises et acceptйes par les habitants de la collectivitй publique miйgeoise et leurs autoritйs, ce qui est loin d’кtre le cas.
Le Requйrant soutient enfin que le Nom de Domaine a йtй enregistrй et est utilisй de mauvaise foi par le Dйfendeur car le Nom de Domaine a йtй choisi uniquement dans le but de priver le Requйrant de la possibilitй de l’acquйrir et de le rйserver pour son propre compte. En dйsignant son site par le nom officiel d’une collectivitй publique, le mouvement raлlien donne а son site un caractиre d’officialitй, ce qui attire les utilisateurs d’internet qui croient se connecter а un site communal agrйй. Il se donne ainsi une visibilitй qu’il n’aurait pas sans l’appropriation illicite d’un nom qui ne lui appartient pas. Il y a donc ici clairement utilisation dйloyale d’un nom а des fins lucratives.
Le Requйrant sollicite sur cette base le transfert du Nom de Domaine а son profit.
B. Dйfendeur
Le Dйfendeur conteste que le Nom de Domaine est identique au nom officiel de la commune du Requйrant dans la mesure oщ le nom de la commune (“Miиge”) comporte une lettre accentuйe que le Nom de Domaine n’a pas et relиve que le nom de domaine correspondant au nom exact (<miиge.ch>) existe et que le Requйrant en est dйjа propriйtaire.
Le Dйfendeur conteste йgalement que le site accessible depuis le Nom de Domaine donne l’impression aux utilisateurs qui se connectent а ce site qu’ils accиdent а un site officiel d’une collectivitй publique et que les informations qu’ils y trouveront ont йtй agrййes par le Requйrant, notamment compte tenu du fait que le Nom de Domaine a une extension “.net” et pas “.ch” et que la page d’accueil du site comporte l’indication mise en йvidence qu’il ne constitue pas un site officiel du Requйrant (avec la rйfйrence : “Le site officiel de la rйsistance а la pensйe dominante ...ou le site non officiel du petit village de Miиge en Valais (Suisse)”).
Le Dйfendeur confirme que le site accessible depuis le Nom de Domaine appartient а titre individuel а un groupe de raлliens localisйs dans la commune du Requйrant qui ont dйcidй, suite а certains йvйnements ayant eu des йchos mйdiatiques, de crйer un site Internet afin de dйfendre leur vision de leurs projets а Miиge, le Nom de Domaine ayant йtй choisi parce qu’il concernait essentiellement des йvйnements ayant lieu а Miиge, sans intention de tromper qui que ce soit.
Le Dйfendeur conteste йgalement que le Nom de Domaine a йtй choisi uniquement dans le but de priver le Requйrant de la possibilitй de l’acquйrir et de le rйserver pour son propre compte, dиs lors que le site concerne des йvйnements et polйmiques qui ont eu lieu а Miиge ou au sujet de Miиge.
De plus, le Nom de Domaine a йtй rйservй par le Dйfendeur au moins une annйe aprиs la rйservation du nom de domaine <miege.ch> par le Requйrant (l’outil de recherche en ligne <archive.org> attestant de l’existence d’un contenu de <miege.ch> en novembre 2001, alors que le Nom de Domaine a йtй rйservй par le dйfendeur а fin 2002). De surcroоt, le Requйrant ne s’est jamais portй acquйreur d’autres noms de domaines (tels que <miege.com>, <miege.net> ou <miege.org>).
Le Dйfendeur conteste йgalement qu’il y ait une utilisation dйloyale du nom du Requйrant а des fins lucratives, car il n’y a rien а vendre, ni aucune sollicitation pйcuniaire sur le site accessible depuis le Nom de Domaine. Le Dйfendeur indique en outre qu’il n’y a aucune sollicitation а rejoindre le mouvement raлlien sur ce site, ce dernier n’йtant pas officiellement affiliй au mouvement raлlien, mais appartenant au contraire а certains raлliens, le mouvement raлlien йtant une association а but non lucratif selon le droit suisse.
6. Langue de la procйdure
Le paragraphe 11(a) des Rиgles d’application prйvoit que, sauf convention contraire, la langue de la procйdure entre les parties est celle du contrat d’enregistrement. Toutefois, la Commission administrative peut dйcider qu’il en sera autrement, compte tenu des circonstances de la procйdure administrative.
En l’espиce, l’unitй d’enregistrement auprиs de laquelle le Nom de Domaine a йtй enregistrй a informй le Centre le 11 mars 2008 que la langue du contrat d’enregistrement йtait l’anglais.
Le Requйrant a toutefois dйposй sa plainte en franзais, sans qu’il n’ait formellement requis ni dans sa plainte ni ultйrieurement que le franзais soit la langue de la procйdure.
Toutefois, le Dйfendeur n’a pas formellement contestй l’utilisation de la langue franзaise comme langue de la procйdure et a d’ailleurs prйsentй sa rйponse en franзais, ce qui justifie que la procйdure soit conduite en langue franзaise, qui est la langue commune utilisйe par les parties dans la prйsente procйdure. En outre, la Commission administrative constate que tant le Requйrant que le Dйfendeur sont domiciliйs dans une rйgion francophone et que les textes figurant sur le site Internet auquel renvoie le Nom de Domaine sont rйdigйs en franзais, ce qui permet йgalement de justifier le choix de la langue franзaise. Voir SFMI - Micromania contre Domain Drop S.A.,
Litige OMPI No. D2008-0081, se rйfйrant а Sociйtй d’information et de crйations SIC contre Pierre Guynot,
Litige OMPI No. D2006-0944 (retenant que le fait que le site Internet auquel le nom de domaine renvoyait ait йtй rйdigй en franзais comme un йlйment permettant d’admettre, en l’absence de contestation du dйfendeur, que la procйdure peut кtre conduite en franзais).
Par consйquent, au vu des circonstances du cas d’espиce, la Commission dйcide que la langue de la procйdure administrative est le franзais.
7. Discussion et conclusions
Conformйment au paragraphe 4(a) des Principes directeurs, la Commission administrative doit dйterminer si sont rйunies les trois conditions posйes par celui-ci, а savoir:
i) si le Nom de Domaine est identique а une marque de produit ou de service appartenant au Requйrant ou suffisamment proche pour engendrer la confusion ; et
ii) si le Dйfendeur n’a pas un droit ou un intйrкt lйgitime а l’utilisation du Nom de Domaine ; et
iii) si le Dйfendeur a enregistrй et utilise le Nom de Domaine avec mauvaise foi.
Il appartient au Requйrant de dйmontrer que ces trois conditions sont rйunies (en vertu du paragraphe 4(a) in fine des Principes directeurs).
Pour ce qui concerne la premiиre condition (du paragraphe 4(a)(i) des Principes directeurs), il convient d’examiner en premier lieu si le Requйrant a dйmontrй кtre titulaire (ou bйnйficier а un autre titre) d’une marque de produit ou de service, puis, dans l’affirmative, si le Nom de Domaine est identique а ladite marque ou suffisamment proche de celle-ci pour engendrer la confusion.
Le Requйrant n’indique pas кtre titulaire d’une quelconque marque de produit ou de service а laquelle le Nom de Domaine serait identique ou de laquelle ce dernier serait suffisamment proche pour engendrer la confusion. Le Requйrant se limite en effet а indiquer que le Nom de Domaine est identique а son nom officiel (“Miиge”).
Or, le terme “Miиge” constitue une dйsignation gйographique qui identifie une commune situйe dans le canton du Valais (Suisse). A cet йgard, il est йtabli qu’en l’absence d’imposition en tant que marque dans le commerce et en l’absence de marque enregistrйe, de telles dйsignations gйographiques ne constituent pas des marques dиs lors qu’elles ne servent pas а distinguer les produits ou services d’une entreprise par rapport а ceux d’autres entreprises. Voir Commune of Zermatt and Zermatt Tourismus v. Activelifestyle Travel Network,
Litige OMPI No. D2007-1318; Empresa Municipal Promociуn Madrid S.A. v. Easylink Services Corporation,
Litige OMPI No. D2002-1110). Dans ces circonstances, les indications gйographiques ne sont pas comme telles protйgйes par les Principes directeurs.
A titre exceptionnel, une dйsignation gйographique (qui n’a pas йtй enregistrйe comme marque ni ne constitue un йlйment d’une marque enregistrйe) peut constituer une marque au sens du paragraphe 4(a)(i) des Principes directeurs а la condition qu’elle se soit imposйe dans le commerce comme marque pour dйsigner des produits ou des services et qu’elle ait ainsi acquis une force distinctive, ce qui pourrait кtre dйmontrй notamment par la durйe et le montant des ventes rйalisйes sous la marque, la nature et l’йtendue de la publicitй effectuйe ou des sondages rйalisйs auprиs des consommateurs (voir les chapitres 1.5 et 1.7 de l’Index des dйcisions des commissions administratives de l’OMPI).
Or, le Requйrant n’a aucunement dйmontrй que le terme “Miиge” se serait imposй comme marque dans le commerce et que ce terme aurait acquis une force distinctive en tant que marque. La Commission administrative relиve, par comparaison, que, dans des dйcisions antйrieures, d’autres dйsignations gйographiques n’ayant pas fait l’objet de dйpфt de marques, n’ont pas йtй protйgйes sur le fondement des Principes directeurs, faute de remplir la premiиre condition du paragraphe 4(a)(i) desdits Principes. Voir Land Sachsen-Anhalt v. Skander Bouhaouala,
Litige OMPI No. D2002-0273; Heidelberg v. Media Factory,
Litige OMPI No. D2001-1500.
Dans ces circonstances, la Commission administrative considиre que la premiиre condition du paragraphe 4(a)(i) des Principes directeurs n’est pas remplie en l’espиce, faute pour le Requйrant d’avoir dйmontrй (ce qu’il lui incombait de faire) bйnйficier d’une marque portant sur le terme “Miиge”.
Il n’est dиs lors pas nйcessaire que la Commission administrative dйcide si les deux autres conditions du paragraphe 4(a) des Principes directeurs sont remplies en l’espиce, les trois conditions figurant dans cette disposition йtant cumulatives. Voir Guildline Instruments Limited v. Anthony Anderson,
Litige OMPI No. D2006-0157; voir aussi Land Sachsen-Anhalt v. Skander Bouhaouala,
Litige OMPI No. D2002-0273 (soulignant que la mauvaise foi et l’absence d’intйrкt lйgitime ne peuvent justifier un transfert de nom de domaine en l’absence de droit du requйrant sur une marque, en se rйfйrant а E-Duction, Inc. v. Zuccarini,
Litige OMPI No. D2000-1369).
8. Dйcision
Au regard des йlйments dйveloppйs ci-dessus et conformйment aux paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des Rиgles d’application, la Commission administrative ordonne le rejet de la plainte.
Jacques de Werra
Expert Unique
Date : Le 14 mai 2008